Derrière son image de simple média indépendant soucieux d’offrir une « voix alternative » en Afrique, African Initiative s’avère être une pièce centrale d’un dispositif d’ingérence structuré et assumé par l’État russe. À la lumière du rapport VIGINUM et de plusieurs enquêtes croisées, se dessine un réseau tissé entre les élites politiques, diplomatiques et universitaires de Moscou, mobilisées pour amplifier l’influence du Kremlin sur le continent africain.
Un ancrage institutionnel au plus haut niveau
African Initiative n’est pas un acteur isolé. Elle bénéficie d’un soutien direct de plusieurs institutions publiques russes, au premier rang desquelles :
La Douma d’État, la chambre basse du Parlement russe, où son directeur Artyom Koureïev a été convié à plusieurs tables rondes officielles, notamment aux côtés de Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Ces réunions ont permis d’appeler à la mise en place d’un « centre de coordination des blogueurs africains ».
Le MGIMO, prestigieuse école des élites diplomatiques russes, où African Initiative intervient régulièrement dans le cadre de conférences, cours et programmes sur l’Afrique, notamment via son propre cours “Anti-Fake”, destiné à « contrer la propagande occidentale ».
Rossotroudnitchestvo, l’agence fédérale en charge de la diplomatie culturelle russe, qui joue un rôle clé dans la diffusion des actions de l’Initiative via les Maisons russes installées en Afrique.
L’Université d’État de Moscou (MGU), où African Initiative collabore avec le RusAfro Club, un réseau réunissant chercheurs, diplomates et entrepreneurs engagés dans le renforcement des liens russo-africains.
Des relais politiques actifs dans l’ombre
African Initiative est également appuyée par des parlementaires russes influents, à commencer par Dmitry Kouznetsov, député et figure centrale de la plateforme Volunteers of Peace. Présentée comme un projet humanitaire international, cette organisation est en réalité un outil d’influence servant à déployer des missions « civilo-idéologiques » en Afrique, en lien avec l’Initiative.
Le site web de Volunteers of Peace redirige d’ailleurs vers la chaîne Telegram @africaninitiativeen, preuve d’une coordination étroite entre les deux entités. Kouznetsov est également proche de figures ultranationalistes comme Zakhar Prilepine, et actif dans la propagande en faveur de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine.
Une diplomatie parallèle, ciblée et bien financée
En s’appuyant sur ces structures, African Initiative opère selon une logique de diplomatie parallèle : contournement des canaux traditionnels, contournement des États, ciblage direct des sociétés civiles africaines, en particulier les jeunes, les étudiants, les influenceurs ou les journalistes locaux.
Cette stratégie permet à la Russie de rendre son influence plus organique, plus diffuse, mais aussi plus difficile à contrecarrer, car elle s’imbrique dans des projets éducatifs, culturels ou associatifs, qui paraissent, à première vue, inoffensifs.
Un réseau prêt à durer
En multipliant les partenariats avec des universités, des parlementaires, des maisons de la culture et des acteurs de terrain, African Initiative pose les fondations d’un réseau pérenne, capable de s’ancrer durablement dans les dynamiques locales. Ce système, piloté depuis Moscou, combine les apparences de la société civile avec les moyens et les relais d’un État déterminé à peser sur les rapports de force mondiaux.