Dans le New York effervescent des années 1990 et 2000, Sean “Diddy” Combs incarnait l’élite des fêtes. Pour Amy DuBois Barnett, figure majeure de la presse américaine, il était carrément « le joueur de flûte de Hamelin des nuits les plus huppées », capable d’attirer autour de lui tout ce que le monde du divertissement comptait d’influents.
Aujourd’hui jugé à Manhattan, les cheveux grisonnants, la barbe fournie, l’image qu’il projette contraste avec celle de l’icône festive d’antan. Pourtant, selon Barnett, à l’époque, les cadres de Wall Street comme les magnats de la mode faisaient tout pour être conviés à ses soirées.
Première Afro-Américaine à diriger un grand magazine grand public, Barnett côtoyait Combs dans ce microcosme dominé par la culture urbaine. Elle se souvient d’un homme au tempérament électrique, peu chaleureux, qui ne l’appréciait guère. Malgré cela, elle recevait des invitations, car ses magazines pouvaient donner un coup de projecteur à ses artistes émergents.
« Il n’avait pas de limites dans ses interactions. Il criait si quelque chose ne lui convenait pas, même pour des détails », confie-t-elle. Elle évoque également des rumeurs sur sa réputation intimidante et son influence redoutée dans plusieurs milieux professionnels.
Les fêtes organisées par Combs avaient des allures de légendes. Ses célèbres « white parties » où le blanc était de rigueur, sous peine de se voir refuser l’entrée attiraient une foule de célébrités, entre mannequins costumés en sirènes et serveurs distribuant des douceurs psychotropes sur plateaux d’argent.
Mais derrière cette façade scintillante, Barnett affirme que régnait une misogynie généralisée. Elle-même dit avoir vécu des situations abusives, enfermée dans une limousine ou importunée à des soirées. « On n’avait pas encore les mots pour décrire à quel point c’était problématique », reconnaît-elle aujourd’hui.
Au fil du temps, elle dit avoir perçu une transformation. Lors d’une dernière soirée post-Grammys, elle décrit un Combs replié sur lui-même, isolé avec Cassie Ventura, sa compagne d’alors, au regard vide. « L’ambiance n’avait plus rien à voir. Il n’y avait plus cette énergie exubérante. »
Leur relation, qui s’est terminée en 2018, a depuis débouché sur des accusations graves. Cassie a affirmé avoir été victime de violences, de trafic sexuel, de drogue et de viols à répétition. Des allégations fermement niées par Combs, qui maintient qu’il est innocent et victime d’un « cirque médiatique ».
Ce procès pourrait sceller le destin de celui qui, pendant des années, a symbolisé la réussite noire américaine. Barnett, elle, pose une réflexion plus large : « Dans notre communauté, on hésite à dénoncer un homme noir à succès, parce qu’ils sont si rares… Mais peut-être que ce silence a aussi permis certains abus. »