Le Grand Théâtre du Sénégal interdit les greffages et la dépigmentation dans son administration

Le Grand Théâtre National du Sénégal a pris une décision aussi radicale que controversée : interdire à son personnel le port de greffages, de perruques ainsi que la pratique de la dépigmentation. Cette mesure, rendue publique par une note de service datée du 14 juillet 2025, vise selon la direction à « préserver l’image de l’institution » et à promouvoir les « valeurs panafricaines ». Signée par Serigne Fall Queye, Directeur général de l’établissement culturel, la note ne laisse aucune place à l’interprétation. Elle s’adresse à l’ensemble du personnel et précise que l’interdiction entre en vigueur immédiatement. Les greffages, perruques, et autres pratiques de modification corporelle telles que la dépigmentation sont désormais proscrits dans l’enceinte de l’administration.

Cette décision repose sur un argument fort : l’adhésion aux valeurs panafricaines. En d’autres termes, le Grand Théâtre entend promouvoir une esthétique naturelle et endogène, valoriser la beauté africaine sans artifices, et rompre avec des pratiques souvent perçues comme des héritages coloniaux ou occidentaux.

Dans un contexte où la dépigmentation continue d’alimenter les débats de santé publique et d’identité culturelle sur le continent, la position du Grand Théâtre s’inscrit dans une tendance qui gagne du terrain : celle d’un retour assumé à l’africanité. Plusieurs artistes, institutions et intellectuels appellent en effet à l’acceptation des identités africaines dans leur diversité naturelle, y compris sur le plan physique. Mais la note suscite également de vives interrogations. Peut-on réglementer l’apparence physique des agents au nom des valeurs culturelles ? Où s’arrête la liberté individuelle et où commence la conformité institutionnelle ?

Des voix s’élèvent pour dénoncer une atteinte aux libertés fondamentales, notamment le droit à disposer de son corps et à choisir son apparence. « Interdire les perruques et les greffes de cheveux, c’est aussi oublier que ces pratiques peuvent répondre à des besoins de santé, de confort ou d’estime de soi », déclare une employée sous anonymat. Certains y voient également une forme de stigmatisation indirecte de comportements très répandus, particulièrement chez les femmes.

Le Grand Théâtre du Sénégal, en tant qu’institution culturelle phare, envoie ici un signal fort. Mais cette décision pourrait bien déclencher un débat national sur la place de la culture, de la tradition et de la liberté individuelle dans l’administration publique.

Reste à savoir comment cette directive sera accueillie en interne, comment elle sera mise en œuvre, et surtout si d’autres institutions publiques lui emboîteront le pas. En attendant, le Sénégal s’interroge : peut-on imposer une identité culturelle par décret administratif ?

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