Accusés de haute trahison, de corruption et de détournement de fonds publics, Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin Bongo Valentin se retrouvent au cœur d’une nouvelle affaire politico-judiciaire explosive au Gabon. Mais à mesure que le dossier avance, la procédure semble s’embourber dans un climat de confusion, alimenté par les réseaux sociaux et des interférences qui fragilisent la crédibilité de la justice.
Depuis la chute du régime Bongo, le pays s’était engagé à tourner la page de l’impunité. Pourtant, comme dans les affaires « Mamba » et « Scorpion » des années précédentes, ce procès met en lumière les failles persistantes du système judiciaire. Interventions politiques, proximités suspectes entre auxiliaires de justice et prévenus, négligences dans la rigueur procédurale… autant de signaux qui laissent craindre une instrumentalisation ou une contamination du dossier.
Certains dénoncent une justice à deux vitesses. D’autres rappellent que « les mêmes qui crient à la rigueur aujourd’hui ont jadis fermé les yeux sur les abus du régime ». Mais cette posture ne fait qu’aggraver le malaise. L’alternance au pouvoir n’a pas pour vocation de reproduire les pratiques du passé. Au contraire, elle devrait en rompre les cycles.
Un procès équitable est un pilier de l’État de droit. Sylvia Bongo et son fils doivent répondre de leurs actes, mais dans le respect strict des principes de justice : présomption d’innocence, égalité devant la loi, dignité humaine. Oublier ces garanties reviendrait à valider, a posteriori, les dérives du régime déchu.
Car la justice ne saurait devenir l’otage des passions populaires ni des règlements de comptes. L’émotion légitime d’une société blessée ne peut justifier le dévoiement de la procédure. Ce serait courir le risque d’ouvrir un nouveau cycle d’arbitraire, sous couvert de réparation.
Le procès des Bongo se joue aussi et peut-être surtout sur les réseaux sociaux, devenus tribunaux parallèles où s’échangent accusations, contrevérités et appels à la vindicte. Influenceurs autoproclamés, commentaires incendiaires, détournement de concepts juridiques : le spectacle numérique brouille le travail des juges et mine la sérénité nécessaire à toute enquête sérieuse.
La justice ne se rend pas en ligne. Les procureurs et les avocats doivent rester les seuls à porter le dossier, sans pressions extérieures. Les parlementaires, eux, disposent de leviers institutionnels comme les commissions d’enquête, au lieu de s’épancher dans les fils Twitter ou les directs Facebook.
Au-delà du cas Bongo, c’est toute la crédibilité de la transition politique qui est en jeu. Le Gabon se revendique comme une République démocratique, sociale et égalitaire. À ce titre, chacun, quels que soient son nom, sa fortune ou son passé, doit bénéficier des mêmes garanties de justice.
Ce n’est qu’en laissant la justice faire son travail, librement et sans parasitage, que le pays pourra clore définitivement le chapitre Bongo. Pas dans la vengeance. Ni dans la confusion. Mais dans le droit, tout simplement.