« C’est un grand honneur pour moi d’être ici avec vous aujourd’hui.
Recevoir ce prix me donne l’occasion de rendre hommage à l’Unesco pour le rôle exceptionnel qu’elle joue en matière d’éducation et de culture dans le monde.
Je rends hommage aussi au premier président de la République de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, pour son action en faveur de la paix et de la prospérité. Je remercie les membres du jury qui m’ont attribué ce prix le 7 octobre 2024.
Je me suis interrogé pourquoi j’ai mérité ce prix.
Heureusement je n’ai jamais eu besoin de signer un traité de paix, et je ne me suis jamais engagé dans une négociation pour la paix.
Mais j’ai compris que la paix c’est beaucoup plus que l’absence de guerre, la paix c’est avant tout faire connaissance, nous comprendre, dialoguer. Et par l’éducation et la culture promouvoir des valeurs qu’on peut nous ressembler dans notre esprit commun et dans notre planète commune que c’est la terre. Merci beaucoup pour ce prix
Recevoir ce prix représente une énorme responsabilité pour moi. La liste des personnalités et institutions qui m’ont précédé est vraiment impressionnante.
Une responsabilité accrue par les nouvelles fonctions que j’assume et dans le cadre desquelles je dois continuer à défendre les valeurs pour lesquelles ce prix a été créé, et à les faire rayonner. La paix entre les nations. L’humanisme entre les êtres. La solidarité entre les citoyens. Les droits de l’homme partout dans le monde. La tolérance et les sociétés ouvertes. L’empathie et la capacité de nous mettre à la place d’autrui.
C’est cette responsabilité qui m’a décidé à faire don du montant de ce prix à une institution internationale, elle aussi lauréate en 1995, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Pour leur travail visant à garantir la vie, la dignité, la sécurité et les droits fondamentaux de millions de personnes déplacées et de réfugiés dans le monde entier.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a la mission d’assurer, au nom de la communauté internationale, au nom de nous tous la protection des plus vulnérables des vulnérables.
Ceux qui sont obligés de partir de sa patrie à cause de la guerre, de la violation des droits de l’homme, des catastrophes naturelles.
Ceux qui ont perdu même la protection de leur État, voire qui sont victimes de persécution de son propre pays.
Aujourd’hui, nous célébrons la Journée internationale de la diversité biologique.
C’est un rappel des Nations unies pour nous tous que la triple crise planétaire – changement climatique, pollution et perte de diversité biologique – continue de se manifester de plus en plus brutalement partout dans le monde.
Il s’agit d’un défi qui concerne toutes les valeurs pour lesquelles ce prix a été créé. Le monde d’aujourd’hui semble, parfois, éloigné de ces principes. Déjà loin de ce qui est nécessaire. Loin de ce qui est juste.
La guerre continue de faire partie du quotidien de nombreuses personnes dans le monde. La pauvreté continue de ravager des pays sur tous les continents. Les inégalités continuent de mettre à mal la cohésion sociale.
La triple crise planétaire a dramatiquement aggravé tous ces problèmes. Des problèmes qui ont alimenté l’insécurité, l’instabilité et le désespoir. Qui ont obligé des millions de personnes à se déplacer, en empruntant des routes très peu sûres.
Comment continuer la lutte contre la pauvreté et l’inégalité si nous délaissons le multilatéralisme?
Comment va-t-on protéger le climat et préserver la diversité biologique et la santé de nos océans si on ne travaille pas ensemble?
Comment assurer la stabilité et la durabilité de la dette mondiale si nous ne trouvons pas des compromis entre différentes perspectives?
Des compromis doivent être trouvés entre les continents, entre les nations, entre les dirigeants et entre les citoyens.
Je crois au multilatéralisme. Je crois en la solidarité. Je crois que chaque enfant a le droit à une planète vivable. À un environnement préservé et protégé. A le droit à un avenir en paix et en liberté. À s’exprimer librement. À une éducation universelle comme base de notre compréhension mutuelle. À un monde sans conflits, sans guerres, sans agressions.
Comme le stipule la charte de l’Unesco, « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».
Je suis ravi que le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies ait annoncé aujourd’hui que la valeur du prix que je leur donne va être utilisé pour financer des programmes éducatifs sur la situation au Soudan.
Je crois à la charte des Nations unies et au droit international comme je crois à la charte de l’Unesco. Je crois à la souveraineté des nations, à leur intégrité territoriale et au droit à l’autodétermination des peuples pleinement reconnus. Je crois à la stabilité des frontières, aux droits de l’homme et au droit de chaque citoyen de vivre en paix.
Tout cela, ce sont des valeurs qui ont été au cœur de mon éducation, auxquelles adhéraient mes parents à une époque où mon pays d’origine, le Portugal, subissait une longue dictature.
Des valeurs qui ont été la pierre angulaire de mon engagement politique en faveur d’une nouvelle ère de liberté et de démocratie. Des valeurs qui ont été la ligne directrice dans l’exercice de mes responsabilités au niveau local jusqu’au niveau national. Et maintenant je dois le faire aussi au niveau européen.
En cherchant constamment à établir des ponts entre différentes visions, et en mettant toujours en avant la justice sociale et la lutte contre les inégalités.
Aujourd’hui, face à ce monde fragmenté, avec des règles remises en question, face à de nombreux dilemmes internationaux, nous devons nous rappeler de la force de ces valeurs.
Nous devons, l’Afrique et l’Europe, les faire avancer ensemble. La main dans la main. Un partenariat pour l’avenir.
Premièrement, pour faire avancer notre développement partagé. Pour l’éducation – qui est une force clé pour le plus jeune continent du monde. Pour les compétences, pour l’indépendance des citoyens, et pour la jeunesse. Pour la prospérité – avec des investissements plus simples, plus souples, plus efficaces. Avec plus d’impact direct dans la vie des gens. Pour l’allègement de la dette externe – qui étrangle les fonctions de base de tant d’États dans la réponse aux besoins de leurs citoyens en matière de santé, d’éducation et de sécurité sociale.
Nous devons urgemment trouver des solutions créatives. Par exemple, en échangeant une part de la dette contre des investissements dans la transition climatique.
Deuxièmement, pour faire avancer notre lutte pour les droits de l’homme universels.
Le colonialisme européen a pris fin il y a plus de 50ans. L’apartheid, il y a plus de 30 ans. Il faut consolider, avec encore plus de détermination, les valeurs de la démocratie, de la liberté, de l’État de droit, de l’intégrité territoriale, de l’autodétermination des peuples, et de la bonne gouvernance.
Et, enfin, pour renforcer un multilatéralisme efficace. Sans une représentation juste de la communauté internationale dans nos institutions communes, les frustrations ne vont qu’augmenter. Et la légitimité des institutions ne va que diminuer.
L’Afrique doit avoir son propre siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. L’Afrique doit avoir une représentation juste au sein des institutions financières internationales. Parce que, sans réformes du système international, le déclin de celui-ci ne fera que s’accélérer. La répartition de la richesse sera encore plus injuste. La résolution des conflits sera encore plus difficile.
Nous n’avons pas besoin de plus de conflits. Comment la guerre peut-elle améliorer l’humanité? A qui sert le protectionnisme? Qui peut survivre à l’aveuglement face au changement climatique? Nous ne pouvons pas revenir en arrière en acceptant des divisions artificielles entre les êtres humains.
Comme un grand écrivain à la fois français et libanais, arabe et européen, francophone aussi, Amin Maalouf, « Chacun d’entre nous devrait être encouragé à assumer sa propre diversité, à concevoir son identité comme la somme de ses diverses appartenances, au lieu de la confondre avec une seule, érigée en appartenance suprême, et en instrument d’exclusion, parfois en instrument de guerre. »
Oui, c’est vrai. La grande menace pour la paix réside dans l’imposition d’identités divisée à l’identité universelle de l’être humain.
Il est inacceptable que les frontières soient redessinées par la force des armes, comme en Ukraine. Nous avons besoins aussitôt que possible d’une paix juste et durable en Ukraine.
Il est inacceptable que les droits de l’homme soient violés quotidiennement, comme à Gaza. Nous devons mettre fin à cette catastrophe humaine et humanitaire et travailler à mettre en œuvre la solution à deux États pour le Proche-Orient.
Il est inacceptable que la guerre l’emporte sur le dialogue, comme au Soudan et en République démocratique du Congo. Nous avons besoin de la bonne volonté des dirigeants pour arrêter la guerre et ouvrir une ère de paix.
Nous ne pouvons pas accepter la violation des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Nous ne pouvons pas accepter les souffrances extrêmes infligées par la guerre à des adultes et des enfants qui voudraient juste vivre en paix.
« La paix n’est pas un vain mot, mais un comportement », avait dit un jour le président Félix Houphouët-Boigny. Nous devons porter ces mots aux quatre coins du monde. Mobiliser les populations et les dirigeants politiques. Rapprocher les peuples, les cultures et les civilisations au lieu de les éloigner les uns des autres.
Faisons en sorte d’y parvenir ensemble. L’Afrique et l’Europe ont tout pour être une force pour le bien de nos enfants. Une force pour le bien de l’humanité.
Je vous remercie. »