Soixante-dix-sept ans après avoir été chassée de sa maison en 1948, Khadra Abu Serriah, une Palestinienne de 90 ans, a de nouveau été déplacée par les forces israéliennes. Cette fois, c’est à Jénine, en Cisjordanie occupée, qu’elle a vu sa vie basculer, en plein cœur d’une offensive meurtrière qui frappe les camps de réfugiés palestiniens depuis janvier.
« Je veux retourner chez moi à Jénine et y mourir », confie-t-elle, la voix brisée par la douleur. Elle fait partie des dizaines de milliers de Palestiniens contraints de fuir les camps de Jénine, Tulkarem et Nour Shams, ciblés par l’armée israélienne. Khadra se souvient encore de la première fois : en 1948, elle n’avait que 13 ans quand les milices sionistes l’ont forcée à fuir sa ville natale de Zirin, près de Jénine. « Nous avons fui les massacres. Plus tard, nous sommes retournés voir la ville : tout avait été rasé. Il ne restait que les souvenirs. »
Elle a trouvé refuge dans le camp de Jénine, devenu au fil des décennies le cœur de sa vie. Mais cette attache a été brisée à nouveau. « Cette fois, c’est encore plus douloureux. J’ai fui sans rien, seulement mes vêtements, mes médicaments et mes papiers », raconte-t-elle. Depuis la maison d’un parent, elle aperçoit sa demeure, inaccessible. « Elle est là, juste en face, mais je ne peux pas l’atteindre. Quiconque s’approche est pris pour cible. » Malgré la violence et la fatigue de l’âge, elle refuse de céder. « Je ne partirai pas. Je mourrai ici. »
La « nouvelle Nakba » que vivent les Palestiniens aujourd’hui rappelle tragiquement celle de 1948. Chaque 15 mai, ils commémorent l’expulsion massive provoquée par la création de l’État d’Israël, un traumatisme collectif toujours vivace. Le bilan humain ne cesse de s’alourdir : depuis octobre 2023, au moins 966 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie, selon les autorités locales.
La Cour internationale de Justice a pourtant tranché en juillet 2024, jugeant l’occupation israélienne illégale et exigeant le retrait des colonies. Mais sur le terrain, Khadra Abu Serriah et tant d’autres continuent de vivre l’exil, les ruines et la dépossession.