Le Danemark marque un tournant majeur dans la production de carburants propres avec l’ouverture, ce mardi 13 mai, de la plus grande usine de e-méthanol d’Europe. Ce site innovant, situé à Kassø, produira chaque année jusqu’à 42 000 tonnes de ce carburant synthétique destiné à décarboner les secteurs les plus polluants, notamment le transport maritime.
Copilotée par European Energy et le japonais Mitsui, l’usine bénéficie d’un positionnement stratégique : à proximité du plus vaste champ de panneaux solaires d’Europe du Nord et d’une puissante station électrique. Le projet a reçu un soutien de 53 millions d’euros du Fonds d’investissement vert danois.
Parmi les premiers clients figurent trois géants danois : Maersk, Lego et Novo Nordisk. Le premier, leader mondial du transport maritime, envisage d’utiliser deux millions de tonnes de méthanol vert par an d’ici 2030 pour réduire de 10 % les émissions de sa flotte. Son porte-conteneur « Laura Maersk », premier du genre à fonctionner au e-méthanol, viendra se ravitailler régulièrement dans le port voisin d’Aabenraa.
Le carburant servira également à fabriquer certaines briques Lego et les stylos à insuline de Novo Nordisk. Pour Jaime Casasus Bribian, responsable chez European Energy, « nous maîtrisons toute la chaîne de production, du solaire au carburant fini, utilisé dans plusieurs secteurs clés ».
Malgré l’enthousiasme, la production européenne reste encore marginale. Yann Lesestre, du Bureau français des e-fuels, souligne que « cette initiative montre un potentiel réel mais reste à une échelle trop confidentielle ». La Chine domine largement le secteur, avec 60 % des capacités mondiales en projet, contre 19 % pour l’Europe. Le site chinois de Jiangsu Sailboat produit déjà 100 000 tonnes de e-méthanol par an depuis 2023.
Le Danemark, pionnier des énergies renouvelables, salue la rapidité du projet : seulement deux ans entre l’autorisation et l’inauguration. « C’est une étape cruciale vers une montée en puissance industrielle », estime Camilla Holbech, de Green Power Denmark. Elle rappelle que le secteur maritime ne peut pas encore fonctionner à l’électricité et que des carburants propres comme le e-méthanol sont essentiels pour sa transition.
European Energy prévoit déjà une extension : une future usine trois fois plus grande est en préparation. Le défi reste économique : combler l’écart de coût avec les carburants fossiles. D’ici 2040, le e-méthanol pourrait devenir compétitif, à condition de multiplier les investissements.
Contrairement aux autres sites en Chine ou aux États-Unis, l’usine danoise se distingue par l’usage de carbone biogénique issu de matières biosourcées mélangé à de l’hydrogène vert produit par électrolyse, grâce à l’électricité solaire de Kassø.
Le Danemark trace ainsi la voie d’une industrie encore naissante, mais porteuse d’un espoir concret pour un avenir sans carbone.