À Abidjan, au Africa CEO Forum, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a présenté sa stratégie pour faire du numérique un levier de souveraineté, d’inclusion et de développement. Une vision offensive qui mise sur les compétences locales, le contrôle des infrastructures et des partenariats équilibrés.
Invité par son homologue ivoirien Alassane Ouattara, le président Faye a profité de sa tribune à l’Africa CEO Forum 2025 pour exposer les grandes lignes de sa politique numérique. Devant un public de décideurs africains et internationaux réunis autour du thème « Un New Deal public-privé peut-il rebattre les cartes au profit du continent ? », il a insisté sur l’urgence d’une souveraineté numérique africaine pensée à l’échelle régionale, mais ancrée dans des réalités locales.
Une vision fondée sur trois piliers
La stratégie sénégalaise s’organise autour de trois axes : la maîtrise des infrastructures numériques, la formation de talents locaux, et la mise en place d’un cadre réglementaire robuste. « Il ne s’agit pas de s’enfermer, encore moins d’adopter une posture autarcique », a précisé M. Faye. Pour lui, l’ouverture aux partenariats internationaux est compatible avec une exigence de contrôle sur les outils numériques stratégiques.
Un plan d’investissement ambitieux
Le Sénégal prévoit un investissement de 1,7 milliard de dollars à travers un « module technologique » destiné à moderniser son écosystème numérique. Ce plan inclut des partenariats public-privé, mais exige en retour un transfert de compétences et une implication directe d’acteurs locaux. « Il ne s’agit pas de reproduire les schémas où l’Afrique reste simple consommatrice de technologies étrangères », a averti le président.
L’Estonie et le Rwanda comme sources d’inspiration
Deux pays inspirent particulièrement cette démarche : l’Estonie, pour sa digitalisation quasi complète de l’administration publique, et le Rwanda, reconnu pour sa stratégie numérique bâtie sur des PPP solides. Ces exemples montrent, selon M. Faye, que « la digitalisation est un renouveau que l’Afrique ne peut pas manquer ».
GAFAM, Chine : coopérer sans renoncer au contrôle
Sur la question sensible des géants technologiques étrangers, Faye opte pour une approche pragmatique : collaborer, mais sans perdre le contrôle. Il appelle à ce que les data centers installés sur le continent soient gérés par des Africains, avec une sécurité des données garantie localement. La formation des talents est ici centrale, car « la souveraineté numérique ne peut reposer que sur des compétences africaines capables de tenir tête aux meilleurs ».
Une coordination régionale indispensable
Le président sénégalais plaide pour une harmonisation réglementaire à l’échelle continentale, en s’appuyant notamment sur la ZLECAF et la CEDEAO. Il évoque la création d’un « réseau africain de cybersécurité » pour éviter que les failles d’un pays ne fragilisent toute une sous-région.
Miser sur les startups et la connectivité
Faye reconnaît le retard des startups francophones dans l’accès au capital. Pour y remédier, son gouvernement investit dans l’extension de la fibre optique et prévoit une couverture nationale en 5G d’ici 2030. Il met également en place un « Start-up Act » et un label pour structurer l’écosystème, soutenu par des programmes de financement et d’accompagnement comme ceux d’Orange Digital Factory.
Connectivité, cadre légal, talents : les trois clés
Pour Faye, aucune des composantes de la souveraineté numérique ne peut être négligée. « Sans une connexion haut débit de qualité, aucun service numérique ne peut fonctionner. Sans cadre réglementaire, il n’y a ni confiance ni attractivité. Et sans compétences, nous serons toujours dépendants des autres », a-t-il résumé. Sa conclusion est sans ambiguïté : « C’est un chantier à mener simultanément sur tous les fronts si l’on veut réussir notre new deal technologique ».