Togo : réforme constitutionnelle ou couronnement déguisé ?

Au Togo, les réformes se suivent et se ressemblent : elles maquillent l’immobilisme sous les oripeaux du changement. Dernier chef-d’œuvre en date : une transition en trompe-l’œil vers un régime parlementaire, qui consacre en réalité la mainmise totale de Faure Gnassingbé sur l’appareil d’État, tout en plaçant à la tête d’une présidence désormais vidée de sa substance un vénérable doyen de 86 ans, Jean-Lucien Savi de Tovè. Une manœuvre politique à la finesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Un “nouveau” régime taillé sur mesure

La nouvelle Constitution, adoptée sans consultation populaire  un détail fâcheux dans une démocratie qui se respecte  installe un régime parlementaire qui, en apparence, partage les pouvoirs. En réalité, elle concentre l’essentiel des leviers entre les mains du président du Conseil des ministres, poste désormais occupé par… Faure Gnassingbé lui-même.

Chef du gouvernement, stratège politique, superviseur des forces armées, maître des nominations : l’homme fort de Lomé se donne tous les outils pour continuer à régner sans partage, mais sous une autre étiquette. Le trône change de nom, pas de locataire.

Une présidence “honorifique” pour la vitrine

Jean-Lucien Savi de Tovè, figure respectée mais âgée, est propulsé à la tête d’une présidence dépouillée de tout pouvoir réel. Son rôle ? Représenter l’État, inaugurer les chrysanthèmes, et faire croire qu’il y a eu alternance. Un président de la République sans république, en somme.

Cette configuration, digne d’une république bananière, consacre un renversement institutionnel inédit : l’exécutif est scindé entre une figure d’apparat et un commandant de l’ombre… qui n’a rien d’ombreux.

Dynastie déguisée, démocratie déglinguée

En 2005, Faure Gnassingbé succédait déjà à son père, Eyadéma, après 38 ans de règne. Vingt ans plus tard, il ne se contente plus d’hériter : il verrouille. Ce passage en force constitutionnel n’est pas une innovation démocratique c’est un tour de passe-passe autocratique, digne d’un manuel de survie politique à l’africaine.

À ceux qui parleraient de “stabilité” ou de “rationalisation institutionnelle”, il faut rappeler une évidence : une démocratie n’est jamais consolidée quand le pouvoir s’y recycle à l’infini au sein d’un même clan.

Jusqu’où ira Faure ?

“Celui qui met du piment dans la sauce doit aussi savoir le manger”, dit un proverbe togolais. À force de jouer avec les textes et de détourner les institutions, Faure Gnassingbé transforme le Togo en laboratoire de la présidence perpétuelle. Mais l’Histoire, elle, a le cuir épais. Elle regarde, note, et finit toujours par présenter l’addition.

En attendant, les Togolais assistent à une pièce de théâtre dont ils sont les spectateurs muets, parfois complices malgré eux. La scène est dressée, les rôles distribués, les rideaux tirés. Mais dans l’ombre, la grogne monte. Et nul ne sait quand le peuple décidera de réécrire le scénario.

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