Présidentielle de 2026 au Bénin : Éric Houndété écarté avec méthode par Boni Yayi

En terre béninoise, l’honorable Éric Houndété ne portera finalement pas les couleurs du parti Les Démocrates à la présidentielle d’avril 2026. Le choix du duo Agbodjo-Lodjou par Boni Yayi et la direction du parti a fait l’effet d’un coup de tonnerre, tant Houndété incarnait, depuis la création du parti, une figure centrale et crédible de l’opposition béninoise. Mais à y regarder de près, cette éviction n’a rien d’un accident politique, elle s’inscrit dans une stratégie mûrement orchestrée pour écarter un candidat devenu encombrant.
Un candidat crédible, mais isolé
Député de la 9ᵉ législature, ancien vice-président de l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire Les Démocrates, Éric Houndété semblait, jusqu’à récemment, le choix naturel pour représenter la principale formation d’opposition à l’élection présidentielle de 2026. Son engagement, sa loyauté envers la ligne du parti et son ancrage populaire faisaient de lui un prétendant solide. Mais derrière les apparences d’unité, des dissensions internes profondes couvaient depuis plusieurs mois, nourries par une question hautement technique devenue politique : celle de l’auto-parrainage.
L’auto-parrainage, prétexte juridique et arme politique
Tout part d’un débat interne sur la possibilité, pour un député détenteur du droit de parrainage, de se compter parmi ses propres parrains dans la constitution d’un dossier de candidature. Eric Houndété, anticipant une manœuvre d’exclusion, avait saisi la Cour constitutionnelle le 9 octobre 2025 pour dénoncer ce qu’il qualifiait d’« atteinte à l’égalité des chances » et de « discrimination fondée sur la position sociale ». Dans son recours, il rappelait que ni la Constitution ni le Code électoral ne prohibent l’auto-parrainage, citant le principe juridique Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus « là où la loi ne distingue pas, il ne nous appartient pas de distinguer ».
Pour lui, refuser à un député la possibilité de se parrainer soi-même revenait à restreindre arbitrairement ses droits politiques fondamentaux. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle, tout comme la position du Directeur général des élections, allaient dans le même sens : l’auto-parrainage n’est pas illégal.
Mais dans les coulisses du parti, cette question juridique servait surtout d’écran à une manœuvre politique visant à neutraliser la candidature du président du groupe parlementaire.
Boni Yayi, stratège d’un recentrage politique
Depuis plusieurs mois, le président d’honneur du parti, Boni Yayi, affichait une volonté claire de reprendre la main sur la direction stratégique des Démocrates. L’ancien chef d’État, soucieux de préserver une ligne plus conciliante avec certaines forces politiques, voyait d’un mauvais œil une candidature Houndété, jugée trop indépendante et difficile à contrôler. Le prétexte de l’« impossibilité d’auto-parrainage » offrait donc un argument commode : sous couvert de conformité juridique, le parti a pu verrouiller la compétition interne et imposer un duo plus aligné sur la ligne de Boni Yayi celui formé par Agbodjo et Lodjou. Cette décision, présentée comme un choix consensuel, s’est en réalité appuyée sur l’élimination méthodique d’un concurrent trop autonome.
Un retrait forcé mais lucide
Le retrait du recours d’Houndété devant la Cour constitutionnelle n’a pas suffi à masquer la nature du rapport de force interne. Conscient du piège, le député a préféré se retirer, évitant un bras de fer public susceptible de fragiliser davantage l’opposition. Mais les faits sont là. Il a été écarté sous couvert de procédure, alors même qu’il avait anticipé et dénoncé le caractère discriminatoire du processus.
Une fracture latente au sein des Démocrates
L’éviction d’Éric Houndété révèle une fracture profonde entre deux lignes au sein du parti : d’un côté, une tendance institutionnelle pilotée par Boni Yayi, soucieuse de contrôle et de cohésion verticale ; de l’autre, une aile parlementaire plus ouverte, attachée à la transparence démocratique et à la défense du pluralisme politique. Cette élimination pourrait à terme fragiliser l’unité des Démocrates, dont la crédibilité repose sur la cohérence entre discours d’opposition et pratiques internes.
Une élimination politique sous couvert de légalisme
In fine, Éric Houndété n’a pas perdu la bataille des idées, mais celle des équilibres internes. Son exclusion traduit la volonté de Boni Yayi de verrouiller la candidature du parti, quitte à sacrifier une figure emblématique.
Sous le vernis juridique du débat sur le parrainage, c’est bien une lutte de pouvoir qui s’est jouée  et que l’ancien président a, une fois encore, su remporter.
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