Maroc : la fraude aux chèques résiste aux réformes bancaires

 

 

Au Maroc, la fraude aux chèques reste une menace sérieuse pour le système bancaire, malgré le durcissement des contrôles et les réformes adoptées ces dernières années. Fermetures de comptes en série, escroqueries organisées et déficit d’éducation financière révèlent des fragilités structurelles aux répercussions sociales importantes.

Selon le rapport 2024 de Bank Al-Maghrib (BAM) sur la situation économique et financière, la Centrale des incidents de paiement a enregistré 487 613 cas liés aux chèques, soit un recul de 4,7 % par rapport à 2023. Pourtant, le montant global concerné a atteint 16,1 milliards de dirhams, preuve que le problème demeure profond. Parallèlement, le service des chèques irréguliers a détecté 17,6 millions de RIB comportant des anomalies : 15,6 millions issus de comptes clôturés et 2,1 millions liés à des interdictions bancaires ou judiciaires.

Dans ce contexte, trois grands groupes bancaires ont procédé récemment à la fermeture de plus de 3 000 comptes, conformément aux directives de la Banque centrale, rapporte Assabah. Ces fermetures visaient aussi bien des comptes utilisés par des réseaux d’escroquerie que des comptes inactifs depuis plus d’un an. L’Office central des litiges de paiement, de son côté, a recensé plus de 500 000 chèques contestés, représentant une valeur dépassant 17 milliards de dirhams.

Les formes de fraude sont diverses : falsification ou contrefaçon de chèques, certifications truquées ou encore ouverture de comptes avec de fausses identités. Pour y faire face, Bank Al-Maghrib a mis en place plusieurs outils, dont l’application CHECKINFO, permettant aux usagers de vérifier instantanément la validité d’un chèque, et un suivi renforcé des comptes clôturés.

La BAM note également l’impact positif de la mesure d’amnistie en faveur des émetteurs de chèques sans provision. En 2024, 192 346 régularisations ont été enregistrées pour un volume de 5,4 milliards de dirhams, soit une hausse de plus de 50 % en nombre et un doublement en valeur par rapport à 2023. Mais malgré ces efforts, de nouvelles arnaques continuent d’émerger, rappelant la nécessité d’une vigilance accrue.

La problématique est amplifiée par un faible niveau de littératie financière. Une étude publiée en 2018 par BAM montrait que 41 % des Marocains échouaient aux tests de connaissances financières, accentuant l’exclusion économique et encourageant le recours au secteur informel. Ainsi, 33 % des adultes privilégient toujours des mécanismes traditionnels comme les tontines, et 10 % s’en remettent uniquement aux argentiers privés.

Sur le plan légal, plusieurs ajustements ont été opérés pour renforcer la régulation : le Code de commerce, la loi bancaire et la législation sur la faillite ont été révisés afin de consolider la gouvernance et la surveillance du secteur financier.

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