La visite surprise du chef des services de renseignement turcs à Benghazi illustre un rapprochement stratégique inédit entre Ankara et l’est libyen, traditionnellement opposé à la Turquie. Lundi 25 août, le maréchal Khalifa Haftar a reçu Ibrahim Kalin, à la tête d’une délégation militaire de haut niveau, marquant la première rencontre de ce type depuis 2020.
Aux côtés de Haftar, ses fils Saddam et Khaled, récemment nommés respectivement vice-commandant général et chef d’état-major de l’ANL, ont été mis en avant, renforçant leur légitimité militaire et politique dans les relations internationales. Le communiqué officiel de l’ANL a évoqué de manière succincte des « intérêts communs » et des « moyens de les développer », mais le geste traduit un réchauffement significatif des relations.
La Turquie, auparavant soutien exclusif du gouvernement de Tripoli, multiplie les gestes envers Benghazi depuis avril 2025, date de la visite de Saddam Haftar à Ankara. Cette évolution répond à des intérêts convergents : Ankara souhaite diversifier ses leviers économiques et énergétiques en Libye, tandis que Haftar cherche à réduire sa dépendance au Caire et à Abou Dhabi. Les échanges incluent désormais des discussions militaires et stratégiques, visant à renforcer le rôle de chaque acteur sur le territoire libyen.
Le rapprochement s’inscrit aussi dans le contexte d’un dialogue turco-égyptien croissant sur la Libye, où les deux pays affirment partager une vision commune pour éviter de nouvelles violences. Pour Haftar, l’ouverture vers la Turquie lui permet de consolider sa position et de diversifier ses alliances, tandis qu’Ankara sécurise ses intérêts dans les secteurs énergétique et de reconstruction.
Malgré ce geste symbolique, l’initiative demeure fragile. Les rivalités internes et la méfiance historique entre les camps libyens continuent de peser sur le processus. Néanmoins, la rencontre du 25 août souligne que la dynamique des rapports de force en Libye évolue constamment, guidée par le pragmatisme et les ambitions stratégiques des acteurs régionaux.