Au Maroc, les politiques destinées à favoriser l’accès des jeunes à la culture sont restées longtemps secondaires. Ce n’est qu’après l’adoption de la Constitution de 2011, qui consacre le droit à la culture, que l’État a commencé à élargir l’offre d’équipements et à encourager les pratiques artistiques. Malgré ces efforts, près de 60 % des moins de 30 ans déclaraient en 2023 ne fréquenter aucun lieu culturel, comme les bibliothèques, théâtres ou cinémas, d’après le Haut-Commissariat au Plan (HCP).
Le déficit d’infrastructures est frappant : sur 1 538 communes, seulement 122 disposent d’une maison de la culture ou d’un centre culturel public opérationnel, selon le rapport territorial du ministère de la Culture (2024). Dans les zones rurales, l’offre est quasi inexistante, accentuant les inégalités d’accès.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) note dans son rapport de 2023 que cette situation limite « la capacité de création, d’expression et d’émancipation » d’une large part de la jeunesse et préconise une révision des priorités budgétaires au niveau local.
Pour 2024, le budget du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication a été relevé de 200 millions de dirhams, atteignant près de 4,06 milliards, dont 1,15 milliard pour le département de la Culture. Malgré cette augmentation, les retombées concrètes restent modestes : seulement 28 % des projets culturels territoriaux prévus dans les contrats-programmes ont été lancés entre 2022 et 2024. Les retards s’expliquent par un manque de coordination entre les niveaux territoriaux, la lenteur administrative et l’insuffisance de soutien politique local.
La régularité et l’accessibilité des programmes restent également problématiques. Les structures existantes souffrent d’un déficit en animation, médiation et personnel qualifié. Le rapport d’exécution 2024 relève l’absence d’agents culturels dans 37 % des établissements ouverts.
Les industries culturelles et créatives (ICC) constituent un secteur porteur pour l’économie des jeunes. En 2022, elles représentaient 0,41 % du PIB national, avec un potentiel pouvant atteindre 2 % d’ici 2030 si les politiques de soutien s’intensifient, selon la première cartographie nationale du secteur réalisée par le ministère et l’ONDA.
Le programme « Maroc Créatif », lancé en 2023, vise à structurer cet écosystème en soutenant la formation, le financement et la diffusion, avec un focus sur les jeunes créateurs dans la musique, le design, le cinéma et l’édition numérique. En 2024, 214 projets portés par des jeunes de moins de 35 ans ont bénéficié d’un soutien financier. Cependant, des obstacles persistent : accès limité aux financements, circuits de diffusion faibles, absence de régime fiscal adapté et disparités territoriales dans l’accès aux appels à projets.
Pour répondre à ces défis, le CESE propose une stratégie nationale intégrée de démocratisation culturelle autour de trois axes : multiplier les infrastructures de proximité, renforcer l’éducation artistique à l’école et instaurer un statut pour les jeunes créateurs.
Le projet de loi de finances 2025 prévoit la création d’un Fonds pour l’accès des jeunes à la culture, doté de 250 millions de dirhams et cofinancé avec les régions pilotes. Ce fonds soutiendra les abonnements culturels, les résidences artistiques et les programmes éducatifs en milieu rural, dans le but de réduire les inégalités et de renforcer l’émancipation culturelle de la jeunesse.