Le ministère de l’Intérieur du Maroc enclenche une opération sans précédent. Sous la direction de Mohamed Faouzi, récemment nommé à la tête de l’Inspection générale de l’administration territoriale (IGAT), un audit national des communes va débuter. Objectif : débusquer les pratiques douteuses autour des terres collectives et mettre fin au clientélisme foncier qui mine la gestion locale.
Tout part de rapports transmis aux services centraux. Ils révèlent des anomalies flagrantes dans la gestion du patrimoine foncier des collectivités : ventes à prix cassés, absence de mise en concurrence, opacité des procédures. En ligne de mire : des présidents de conseils communaux accusés d’avoir favorisé des opérateurs privés, parfois pour des intérêts personnels ou partisans.
Connu pour son intégrité et sa rigueur, Mohamed Faouzi imprime déjà sa marque. Ancien directeur général des collectivités territoriales, il place la transparence au cœur de sa mission. L’IGAT déploiera dans les prochains jours plusieurs commissions d’inspection, dotées d’un accès élargi aux bases foncières nationales. Trois régions sont prioritairement ciblées : Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi.
Depuis des années, les terres collectives sont le théâtre d’arrangements douteux. Mauvaise délimitation, flou juridique, manque de contrôle : tout concourt à faire de ce secteur un terrain propice à la corruption. L’audit entend y mettre fin. Il portera aussi sur d’autres pratiques : recrutements de faveur, détournement de loyers, évictions illégales, ou encore non-enregistrement volontaire des transactions.
La loi 57.19, pourtant censée encadrer la gestion des biens collectifs, reste largement ignorée ou contournée. Cette fois, prévient un haut cadre de l’IGAT, « il n’y aura pas de passe-droit. Si des responsabilités sont établies, la justice sera saisie. »
Suspensions, révocations, voire inéligibilité : plusieurs élus pourraient être lourdement sanctionnés. Des communes comme Mohammedia, Berrechid, Settat ou Benslimane seraient déjà dans le viseur. À un an des élections locales, cette opération pourrait bien redistribuer les cartes, affaiblir certains réseaux et rebattre les équilibres politiques.
Un test pour l’État, un espoir pour les citoyens
L’opinion publique suit cette initiative avec prudence, mais aussi avec espoir. Nombreux sont ceux qui espèrent que cette opération ne se limitera pas à des gestes symboliques. Si elle est menée jusqu’au bout, elle pourrait marquer le début d’une refondation de la gouvernance locale et restaurer la confiance entre citoyens et institutions.
Le ministère de l’Intérieur veut frapper fort. Reste à voir si l’audit tiendra ses promesses et amorcera enfin la rupture avec un système miné par les connivences.