Il y a des moments dans la vie d’une nation où le silence en dit plus long que les discours. Depuis la tentative de coup d’État déjouée du 7 décembre 2025, le Bénin traverse précisément l’un de ces instants suspendus, où l’histoire observe la manière dont un peuple choisit de réagir à l’épreuve.
Vingt-huit personnes ont été présentées ce jour à la CRIET. Le chiffre impressionne, il interpelle, mais il ne déclenche ni clameur ni hystérie collective. Le pays regarde. Les Béninois observent, commentent parfois à voix basse, mais refusent la facilité de la vindicte. Aucun appel massif à la revanche, aucune volonté affichée de désigner des coupables avant l’heure. Dans un continent où les crises politiques s’enveniment souvent par l’excès de passion, cette retenue est tout sauf anodine.
Ce calme n’est pas de l’indifférence. Il est le signe d’une conscience aiguë de ce qui est en jeu. Une tentative de coup d’État n’est jamais un fait divers ; c’est une atteinte grave à l’ordre constitutionnel, un traumatisme potentiel pour la nation. Mais y répondre par l’émotion ou la stigmatisation serait offrir une seconde victoire à ceux qui ont voulu fracturer l’État.
Le choix qui s’impose aujourd’hui est clair : laisser la justice faire son œuvre. Lentement peut-être, mais sûrement. La CRIET, quelles que soient les controverses qu’elle a pu susciter par le passé, est désormais au centre d’un processus attendu avec attention. Chaque procédure, chaque audition, chaque décision sera scrutée, non pour nourrir la suspicion, mais pour mesurer la capacité du pays à rester fidèle à ses principes.
Il faut aussi saluer la posture des acteurs politiques et institutionnels. Peu de déclarations tonitruantes, peu d’exploitation politicienne d’un événement pourtant explosif. Ce silence relatif n’est pas un vide ; il est une responsabilité assumée. Il contribue à préserver l’unité nationale, à éviter que la justice ne soit perçue comme un instrument de règlement de comptes.
Dans ce moment précis, le Bénin envoie un message fort, au-delà de ses frontières. Il affirme que la stabilité ne se construit ni dans la peur ni dans la vengeance, mais dans le respect des règles, même quand celles-ci sont mises à rude épreuve. Il rappelle que la démocratie ne se mesure pas seulement à l’organisation des élections, mais aussi à la manière dont un État gère ses crises.
Le temps viendra pour les conclusions, pour les responsabilités établies, pour les sanctions éventuelles. Ce temps n’est pas encore celui de la colère. C’est celui de la justice. Et c’est peut-être là, dans cette patience collective, que se joue l’une des victoires les plus discrètes mais les plus essentielles du Bénin face à la tentation du chaos.



