Quatre ans après son dernier passage à la tête de l’exécutif, Andrej Babiš a été officiellement nommé Premier ministre de la République tchèque ce mardi, par le président Petr Pavel. Le leader du mouvement ANO, vainqueur des dernières élections législatives, signe ainsi un come-back politique majeur, plus de deux mois après le scrutin.
La nomination intervient après l’annonce par Andrej Babiš de son retrait de son puissant holding agroalimentaire Agrofert, condition posée par le chef de l’État pour régler la question sensible du conflit d’intérêts. Une fois cet obstacle levé, le président tchèque a procédé à la désignation officielle du nouveau chef du gouvernement, conformément aux usages institutionnels.
Lors de la cérémonie au Château de Prague, Petr Pavel a rappelé les défis majeurs auxquels le pays sera confronté, notamment sur les plans sécuritaire et économique. Il a insisté sur la nécessité pour le futur gouvernement de faire preuve de courage politique, de vision et de fidélité aux engagements européens et atlantiques de la Tchéquie, dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques.
La formation du nouveau gouvernement, attendue dans les prochains jours, suscite déjà de vives inquiétudes. Pour constituer une majorité, Andrej Babiš s’est rapproché de formations situées à la droite de la droite, dont le SPD, connu pour ses positions prorusses, et le parti des Automobilistes, hostile au Green Deal européen. Cette alliance alimente les craintes d’un possible réalignement de la politique étrangère tchèque, jusqu’ici favorable à l’Ukraine, vers une position plus conciliante à l’égard de Moscou, à l’image de la Slovaquie ou de la Hongrie.
Dans sa première déclaration publique après sa nomination, Andrej Babiš a adopté un ton mesuré. Il a promis de défendre les intérêts des citoyens tchèques, de respecter le programme gouvernemental et de faire de la République tchèque « le meilleur endroit où vivre », sans entrer dans les détails des orientations politiques à venir.
La constitution du gouvernement reste néanmoins sous observation. Le président Pavel a clairement exprimé ses réserves quant à la présence de certaines figures controversées, notamment Filip Turek, du parti des Automobilistes, régulièrement accusé de propos racistes, sexistes et homophobes. Son absence de la liste des futurs ministres transmise par Andrej Babiš est perçue par plusieurs analystes comme une volonté de désamorcer une source de tensions, tant au plan interne qu’international.
La perspective de ce gouvernement très à droite a déjà provoqué des réactions. Des manifestations ont eu lieu à Prague, notamment à l’initiative de mouvements étudiants et climatiques, opposés à la possible remise en cause des politiques environnementales. Par ailleurs, l’opposition, en particulier le parti Pirate, entend saisir la Commission européenne pour vérifier si le retrait d’Agrofert annoncé par Andrej Babiš est suffisant pour le mettre en conformité avec les règles européennes sur les subventions.
La nomination définitive des ministres, attendue dans les prochains jours, devrait préciser l’orientation réelle du nouveau pouvoir et confirmer, ou non, les craintes d’un tournant politique en Tchéquie.



