L’Indice africain du crime organisé 2025, publié par le projet ENACT, confirme une progression continue du crime organisé sur le continent depuis 2019. Le document, élaboré par l’ISS, INTERPOL et le GI-TOC, met en évidence la diversification des marchés criminels, le poids croissant d’acteurs étatiques et une résilience encore trop faible dans de nombreux pays.
Sur la base d’analyses fournies par plus de 120 experts, le rapport montre que le crime organisé est alimenté par l’instabilité politique, les tensions géopolitiques et la digitalisation. Le score moyen de résilience des États africains ne dépasse pas 3,79/10, largement inférieur à celui des marchés criminels (5,11/10) et des acteurs impliqués (5,58/10).
Les crimes financiers (6,32/10), la traite humaine (6,11/10), l’exploitation illégale des ressources naturelles (5,90/10), le trafic d’armes (5,69/10) et le commerce de contrefaçons (5,69/10) dominent les activités criminelles en 2025. Depuis 2023, les crimes financiers et les contrefaçons sont ceux qui progressent le plus rapidement.
Les dynamiques régionales restent contrastées : l’Afrique de l’Est est fortement touchée par la traite humaine et le trafic d’armes, l’Afrique du Nord par le cannabis et les drogues synthétiques, l’Afrique de l’Ouest par la cocaïne et la traite humaine, l’Afrique centrale par l’exploitation illégale des ressources, et l’Afrique australe par les crimes financiers et le trafic de faune.
Les acteurs étatiques intégrés demeurent les plus influents (6,78/10), devant les réseaux criminels étrangers (5,92/10) et locaux. Leur emprise est particulièrement forte en Afrique centrale, de l’Est et du Nord. Les acteurs étrangers progressent rapidement, notamment en Afrique de l’Ouest.
La cybercriminalité poursuit sa croissance, stimulée par l’essor du numérique. Les ransomwares, malwares ou escroqueries en ligne affichent des niveaux élevés, notamment en Afrique du Sud, au Kenya et au Nigeria. En revanche, la capacité des États à y répondre reste limitée, marquée par un manque d’investissements et un recul du rôle des acteurs non étatiques.
Les domaines les plus fragiles sont l’appui aux victimes et témoins (2,87/10) et les dispositifs de prévention (2,87/10). La coopération internationale (4,95/10) et les cadres législatifs nationaux (4,71/10) font figure de points relativement positifs, même si les progrès demeurent insuffisants.
Historiquement, l’étude retrace une montée progressive du crime organisé depuis les années 1970, accélérée par les conflits, l’ouverture des frontières dans les années 1990, la mondialisation des réseaux criminels dans les années 2000 et l’essor des fraudes numériques pendant la pandémie de COVID-19.
Le continent occupe aujourd’hui un rôle central dans les réseaux criminels transnationaux : exportation illégale de ressources, routes de transit pour la cocaïne, l’héroïne ou les migrants, et marché de destination pour les drogues synthétiques, les armes et les contrefaçons.
Pour inverser la tendance, le rapport appelle à renforcer la gouvernance démocratique, à soutenir les organisations de la société civile, à investir dans la jeunesse, à créer des organes d’enquête indépendants et à intégrer davantage la lutte contre le crime organisé dans les priorités de l’Union africaine. Il recommande également une meilleure régulation financière, l’usage de technologies de surveillance adaptées et une coopération régionale accrue.



