Un projet agricole mené conjointement par Hanoï et La Havane transforme progressivement la production rizicole cubaine. L’agence internationale IPS, qui a consacré une enquête à cette coopération, révèle que l’introduction de technologies vietnamiennes dans les rizières de l’île commence à produire des résultats concrets pour une population confrontée à une dépendance alimentaire chronique. L’initiative s’est consolidée après la visite d’État du secrétaire général Tô Lâm en septembre 2024.
IPS indique que le Vietnam a dépêché des experts, du matériel moderne et plusieurs variétés de riz, dont le CT16 devenu la principale semence utilisée à Cuba. L’entreprise Agri VMA, chargée de la mise en œuvre du projet, exploite des terres louées à proximité de Los Palacios, dans la province de Pinar del Rio.
Les premiers indicateurs dépassent de loin les performances locales. La récolte prévue pour 2025 affiche un rendement de 7,2 tonnes à l’hectare, quand la moyenne cubaine plafonne à 1,6 tonne. Ce bond spectaculaire est attribué au recours au riz hybride, à l’utilisation d’intrants de qualité, aux produits phytosanitaires adaptés et à l’application de méthodes culturales perfectionnées au Vietnam.
L’ensemble de la production est cédé directement à l’État cubain, un choix qui allège les coûts logistiques et réduit les importations. Selon Ariel García, directeur de l’entreprise agricole Los Palacios, produire localement est devenu plus rentable que dépendre des arrivages internationaux, souvent coûteux et aléatoires.
Le partenariat repose sur un accord signé en février 2023. Agri VMA a transféré à Cuba un paquet technologique complet : semences hybrides, engrais, produits de protection des plantes, machines modernes et équipe de techniciens. Avant de viser 1.000 hectares cultivés, l’entreprise a mené un test sur 16 hectares, obtenant 6,5 tonnes à l’hectare en contre-saison. Elle estime désormais qu’une extension à 5.000 hectares est envisageable si la performance se maintient. Ce potentiel est déterminant dans un pays où la production nationale de riz ne couvre qu’environ 11% des besoins.
Le projet ne se limite pas aux rizières. La remise en service de l’usine de séchage et de décorticage Camilo Cienfuegos, détruite par l’ouragan Ian en 2022, a permis de recréer des emplois qualifiés et mieux rémunérés.
IPS décrit une coopération structurée autour de trois modèles complémentaires : la location de terres financée par la partie vietnamienne, la création d’une coentreprise agricole avec participation cubaine dans toute la chaîne de valeur, et la distribution d’intrants de haute qualité via le réseau EMSA depuis janvier 2025. Pour les analystes, cette flexibilité constitue une réponse pragmatique à la dépendance alimentaire du pays. Le coût local de production, évalué à 565 dollars la tonne, s’impose déjà comme plus compétitif que l’importation.
Pour le Vietnam, les performances enregistrées à Los Palacios confirment la capacité de son agriculture à s’adapter à des environnements difficiles et à proposer un modèle de coopération Sud-Sud efficace, basé sur un transfert réel de savoir-faire.
Ce projet rizicole Vietnam – Cuba apparaît désormais comme un exemple de transformation agricole réussie, alliant augmentation de productivité, renforcement de la sécurité alimentaire et consolidation d’un partenariat stratégique entre deux nations liées par une longue histoire de solidarité.



