En Afrique de l’Ouest, le rapport au pouvoir demeure souvent marqué par la longévité, la résistance et la tentation du retour. Les anciens présidents peinent à quitter la scène, comme si l’histoire ne pouvait s’écrire sans eux. Pourtant, certains gestes brisent ce cycle. L’annonce du retrait de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien, de la direction du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), après les législatives de décembre 2025, fait partie de ces rares moments où la politique africaine s’élève au-dessus de la lutte pour la survie personnelle.
Cette décision résonne au-delà des frontières ivoiriennes. Elle trouve un écho particulier au Bénin, où Boni Yayi, ancien président (2006-2016) et actuel chef du parti d’opposition Les Démocrates, traverse une phase d’essoufflement politique. Entre crise de leadership et fragilité organisationnelle, sa formation peine à s’imposer comme une véritable alternative. Et si le salut passait, lui aussi, par la sagesse du retrait ?
Laurent Gbagbo, la leçon de la lucidité
Dans un entretien accordé à AFO Média, Laurent Gbagbo a surpris ses partisans et ses adversaires : « Je vais prendre du temps pour moi-même et pour ma petite famille. Enfin, je vais vivre un peu, écrire. Il y a des moments où il faut arrêter. » À 81 ans, celui que l’histoire a souvent peint comme un résistant inflexible choisit la voie du renoncement réfléchi. Non pas une fuite, mais une réinvention. En quittant la présidence de son parti, Gbagbo tourne la page de la compétition permanente pour devenir, sans doute, une figure de référence morale. Dans une Afrique politique saturée de luttes d’ego, ce choix sonne comme une rare confession de lucidité.
Boni Yayi, à l’heure du choix
Au Bénin, Boni Yayi fait face à son propre tournant. Son parti, Les Démocrates, peine à rassembler autour d’une vision claire. Ses cadres se divisent, les stratégies se contredisent, et la flamme militante s’étiole.
L’ancien président, respecté pour son parcours et sa stature d’homme d’État, semble cependant rester prisonnier d’une logique de contrôle : vouloir continuer à diriger plutôt qu’à inspirer. Pourtant, l’histoire lui offre une occasion unique de se réinventer. Comme Laurent Gbagbo, il pourrait devenir un passeur de génération, un sage politique qui guide sans dominer. C’est ce rôle que la démocratie béninoise, aujourd’hui fragilisée par la concentration du pouvoir, attend de lui.
Le courage de s’effacer pour mieux exister
Laurent Gbagbo a compris que le véritable courage politique n’est pas de rester coûte que coûte, mais de savoir partir au bon moment. En se retirant, il n’abandonne pas ses convictions : il les rend plus fortes, plus universelles.
Cette leçon vaut pour Boni Yayi, et au-delà, pour toute une génération de dirigeants africains qui confondent encore longévité et légitimité. L’Afrique a besoin de leaders qui savent transmettre, non de figures qui s’accrochent. Les peuples africains ne demandent pas des messies éternels, mais des institutions solides, des modèles de transition et de dignité.
L’héritage ou la nostalgie
Laurent Gbagbo quitte la scène sans renier son combat. Il ne part pas vaincu, il part accompli. Son geste ouvre un espace : celui d’une alternance pacifique, d’une réinvention du pouvoir par la mesure et la sagesse.
Boni Yayi, lui aussi, peut choisir : préserver son héritage en passant le flambeau, ou le diluer dans la nostalgie du pouvoir perdu. À l’heure où les démocraties ouest-africaines cherchent un second souffle, le vrai courage n’est plus de se battre pour durer mais de savoir s’arrêter pour laisser vivre la relève.



