Plus d’une semaine après la présidentielle du 12 octobre, le Cameroun reste suspendu aux décisions du Conseil constitutionnel. Les résultats officiels se font attendre, mais Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et désormais rival de Paul Biya, a déjà choisi son camp : celui de la victoire autoproclamée.
Le 14 octobre, depuis son domicile, Tchiroma s’est proclamé vainqueur, affirmant détenir la majorité des suffrages. Pour étayer ses dires, il a lancé une vaste offensive médiatique, publiant dimanche 19 octobre une série de procès-verbaux issus de 18 départements, qu’il assure authentiques et représentant près de 80 % du corps électoral. Ces documents lui attribuent des scores écrasants, notamment 78,31 % des voix dans le Wouri contre 12,41 % pour Paul Biya.
Contestant la régularité du scrutin, Tchiroma évoque des cas de bourrage d’urnes, de falsification de procès-verbaux et de résultats arithmétiquement incohérents. Il a adressé plusieurs requêtes officielles au Conseil constitutionnel et aux commissions départementales pour la vérification des PV, tout en appelant à la suspension de toute proclamation fondée sur des documents “truqués”. Il a également sollicité la médiation de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’ONU et de plusieurs partenaires internationaux pour garantir la transparence du processus.
Le gouvernement, par la voix du ministère de l’Administration territoriale, a dénoncé une “imposture” et un “comportement anti-républicain”. Selon les autorités, Tchiroma aurait agi sans base légale et sans représentants dans la majorité des bureaux de vote. Le ministère rappelle que seul le Conseil constitutionnel, conformément à l’article 137 du Code électoral, est habilité à proclamer les résultats.
La coalition G20, regroupant vingt partis d’opposition, a également pris ses distances. Elle condamne une initiative “illégale”, estimant que le dépouillement était encore en cours au moment de l’auto-proclamation. Le groupe appelle plutôt à laisser le Conseil constitutionnel établir la “vérité des urnes”.
Malgré les critiques, Tchiroma reste inébranlable. Il affirme ne reconnaître que les résultats “issus des urnes authentiques” et invite ses partisans à “défendre la victoire du peuple” dans le calme. L’ancien ministre affirme bénéficier du soutien de certains cadres du régime et de membres des forces de sécurité.
Pendant ce temps, la Commission nationale de recensement général des votes, dirigée par Essombe Emile, poursuit la compilation des résultats. Composée de magistrats, de représentants de l’administration et des candidats, elle est chargée d’assurer la transparence du processus.
Cette crise révèle un face-à-face inédit entre deux légitimités : celle des institutions, incarnées par le Conseil constitutionnel, et celle revendiquée par Tchiroma, appuyée sur des preuves qu’il dit “incontestables”. Le verdict du Conseil est attendu d’ici au 26 octobre, date à laquelle le Cameroun saura enfin si la bataille électorale trouve une issue… ou s’enfonce dans une impasse politique.