À bord d’un avion militaire jordanien, le grondement du moteur couvre les voix des soldats qui s’affairent dans la soute. Mercredi 30 juillet 2025, huit militaires s’apprêtent à larguer des colis d’aide humanitaire au-dessus de la bande de Gaza, un territoire dévasté par près de deux années de guerre et désormais menacé par une famine généralisée. À l’arrière du Hercules C-130, les parachutes s’ouvrent l’un après l’autre, libérant dans le ciel des caisses de sucre, de légumineuses et de lait infantile, frappées du drapeau jordanien.
L’appareil, escorté par un avion émirati, avait décollé de la base aérienne de Zarqa, près d’Amman, avant de survoler Gaza par la mer pour éviter les zones sensibles. Durant les quelques minutes de vol au-dessus du territoire palestinien, les journalistes embarqués ont pu filmer la manœuvre, mais sans capter d’images directes des ruines en contrebas. Pourtant, même à 2 000 pieds d’altitude, les stigmates de la guerre sont visibles : d’immenses étendues de gravats, de quartiers entiers rayés de la carte, et ici et là, des silhouettes qui lèvent les yeux vers les parachutes, dans un silence oppressant.
« C’est tragique », souffle le commandant de bord, bouleversé par la vue depuis son cockpit. « On voit des gens au sol qui suivent la trajectoire de l’avion… Cela montre à quel point leur situation est désespérée. » Des prières murmurées par les membres d’équipage ponctuent le silence de la cabine. La mission de ce jour, menée conjointement avec les Émirats arabes unis, s’inscrit dans une série de largages humanitaires autorisés depuis le 27 juillet par Israël. Le Royaume-Uni a effectué son premier parachutage le 29 juillet, et la France prévoit d’acheminer 40 tonnes d’aide par voie aérienne à partir du 1er août.
Malgré l’émotion et l’élan de solidarité, les besoins restent immenses. Le roi Abdallah II de Jordanie a qualifié la situation à Gaza de « pire catastrophe humanitaire de l’histoire moderne » et averti que les quantités d’aide acheminées restaient dramatiquement insuffisantes. Les agences des Nations unies, elles, appellent désormais à « inonder » Gaza de vivres et de soins, dans l’espoir d’enrayer une famine désormais imminente.
Assiégée depuis le début du conflit le 7 octobre 2023, la bande de Gaza a été presque entièrement coupée du monde pendant des mois. En mars 2025, l’entrée de l’aide avait été totalement interdite par Israël, avant une timide réouverture fin mai sous pression internationale. Dimanche dernier, Tel-Aviv a consenti à une pause diurne des combats dans certains secteurs, afin de permettre la distribution d’aide, signe d’un fragile infléchissement dans la stratégie militaire.