Abdoulaye Dieye : « le Sahel est en crise sécuritaire mais reste une terre d’opportunités »

 

Malgré une instabilité persistante, le Sahel ne doit pas être uniquement perçu à travers le prisme des conflits armés. C’est ce qu’a affirmé Abdoulaye Mar Dieye, Coordonnateur spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le développement au Sahel, dans un entretien accordé à l’agence Anadolu depuis Dakar.

Selon lui, la région fait certes face à une crise sécuritaire aiguë, marquée par la prolifération des groupes extrémistes, les tensions intercommunautaires et des États fragilisés. Mais cette lecture ne reflète qu’un fragment de la réalité sahélienne. « Le Sahel, ce n’est pas que la crise. C’est aussi une zone riche d’espoirs et de potentialités », insiste-t-il.

La dégradation sécuritaire dans le Sahel, notamment au Mali depuis 2012, s’explique selon Dieye par l’effondrement de la Libye, qui a favorisé l’émergence de réseaux terroristes transnationaux. Mais il ajoute que la véritable source du problème est avant tout économique : pauvreté, abandon des zones frontalières, et manque d’opportunités pour les jeunes.

Ayant dialogué avec d’anciens membres de groupes armés, il affirme que beaucoup ont rejoint les rangs djihadistes non par conviction religieuse, mais par nécessité : « Ils cherchaient simplement à survivre. Ce n’est pas une guerre idéologique, c’est une crise économique », affirme-t-il.

Il pointe également la mauvaise gestion des ressources comme facteur aggravant. « Le Mali, par exemple, regorge d’or et d’autres richesses naturelles. Ce pays pourrait doubler son PIB avec une exploitation responsable. Ces États ne sont pas pauvres : ce sont les politiques de gouvernance qui le sont », tranche-t-il.

Dieye met en garde contre la transnationalité du terrorisme. De la Côte d’Ivoire au nord du Bénin et du Togo, les foyers d’instabilité se déplacent. Il souligne que les zones où se rejoignent trois frontières sont les plus vulnérables, faute de coordination suffisante entre les pays concernés.

Face à ce défi, l’ONU appuie des programmes transfrontaliers pour renforcer les communautés locales, notamment entre le Mali, la Mauritanie, le Sénégal, ou encore la Guinée et la Guinée-Bissau.

Il salue au passage les efforts du Sénégal qui, tout en sécurisant ses frontières, investit dans l’éducation, les infrastructures et le développement rural dans les zones sensibles.

Abdoulaye Dieye met également en avant l’influence apaisante des confréries soufies au Sénégal. Les traditions religieuses de la Tijaniyya et du Mouridisme jouent un rôle essentiel dans le rejet de la violence et la cohésion sociale. « C’est un levier de stabilité unique dans la région, qui mériterait d’être mieux valorisé », affirme-t-il.

Enfin, le haut fonctionnaire onusien évoque la volonté de renforcer les partenariats internationaux, notamment avec la Türkiye. Il prévoit de visiter un institut technologique turc pour explorer des projets de formation destinés aux jeunes Sahéliens dans les domaines du numérique, de l’industrie et des mines.

Il qualifie la diplomatie turque de « douce mais efficace », et y voit une opportunité stratégique pour le développement durable du Sahel. « La Türkiye a un vrai rôle à jouer dans la transformation économique de la région, en collaboration avec les Nations unies et les États concernés », conclut-il.

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