The New Deal : une vision nouvelle pour l’Afrique de l’Ouest

Sur la scène du premier Sommet économique de l’Afrique de l’Ouest (WAES), samedi 21 juin dernier, un président a fait voler en éclats le confort des discours convenus. Sans notes, mais avec une lucidité rare, Patrice Talon, président de la République du Bénin, a livré une adresse qui pourrait bien marquer le tournant géopolitique majeur dont la CEDEAO a tant besoin. Dans un climat de crise et de doute, alors que la communauté régionale vacille entre retraits militaires, désillusions populaires et lenteurs structurelles, une proposition inattendue a surgi : un “New Deal” à l’échelle ouest-africaine, porté par un binôme stratégique le Bénin et le Nigeria.

Une CEDEAO au bord de la rupture

Longtemps perçue comme le pilier de l’intégration régionale, la CEDEAO traverse une crise existentielle. Les coups d’État au Sahel, les blocages institutionnels, les fractures idéologiques et les lenteurs économiques ont sérieusement entamé la légitimité du projet communautaire.

Mais face à l’effritement du consensus régional, Talon a choisi la voie du sursaut. Plutôt que de déplorer, il a nommé les failles, assumé les responsabilités, proposé un chemin. Un chemin qui commence par la base, loin des grandes déclarations abstraites, et s’enracine dans une réalité tangible : la proximité historique, géographique, culturelle et économique entre le Bénin et le Nigeria. « Si nous ne partageons pas les mêmes visions politiques, ce n’est pas aussi grave que de ne pas partager le même idéal économique. »

Le pacte du réel

En marge du sommet, un accord bilatéral d’intégration a été signé entre le Bénin et la République fédérale du Nigeria. Un texte historique, pragmatique, qui ambitionne de lever les obstacles à la circulation des biens et des services, de fluidifier les procédures douanières, d’harmoniser la fiscalité, de faciliter la coopération monétaire.

Ce n’est pas une promesse. C’est un engagement.

Et c’est peut-être le signal qu’attendait toute une région : la preuve que deux États africains peuvent choisir de s’unir non par slogans, mais par intérêt mutuel, volonté politique et vision partagée.

Un « couple moteur » à l’africaine ?

En Europe, le couple franco-allemand a servi de colonne vertébrale au projet européen. En Afrique de l’Ouest, le tandem Bénin-Nigeria pourrait jouer un rôle similaire non dans une logique de domination, mais dans celle d’une complémentarité assumée.

Le Bénin, agile et stable, avec son économie tournée vers la réforme et l’innovation. Le Nigeria, géant démographique et marché d’avenir, malgré ses défis internes. Ensemble, ils incarnent une alliance de proximité capable de démontrer qu’une autre CEDEAO est possible : plus agile, plus efficace, plus centrée sur les résultats. « L’informel est la réponse des peuples à l’inefficacité des États », a rappelé Talon. Le terrain intègre déjà. À nous de rattraper. »

Le legs d’un mandat ?

À la veille de la fin de son second et dernier mandat, Patrice Talon pourrait bien avoir posé les premières pierres de son héritage continental. En livrant ce discours à Abuja, il ne s’adressait pas qu’à ses pairs. Il parlait aux peuples. Il appelait à dépasser les inerties, à briser les vieux réflexes, à reconstruire autrement. Cette séquence n’était pas un simple moment de politique régionale. C’était un moment de vérité.

La CEDEAO peut-elle renaître ? Oui, si elle s’inspire de ce “New Deal” :
-Une intégration qui commence à deux, mais pense pour quinze.
-Une intégration qui parle logistique, fiscalité, mobilité, chaînes de valeur.
-Une intégration au service des populations, et non des seuls sommets.

Et maintenant ?

L’accord Bénin-Nigeria devra être mis en œuvre. Rigueur, volonté et suivi seront nécessaires. Mais il est porteur d’un récit nouveau. D’une dynamique. D’un exemple.

Et si ce « New Deal » ouest-africain inspirait d’autres binômes ?
Et si cette alliance devenait contagieuse, vertueuse, structurante ?
Et si, à contre-courant du scepticisme ambiant, le leadership africain reprenait l’initiative par le concret ?

Le pari est lancé.
L’histoire, peut-être, est en train de s’écrire.

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