Projet African Initiative : organisation de conférences, diffusion de vidéos, production de films et création de jeux pour promouvoir la propagande pro-russe en Afrique

Loin d’être une simple ONG engagée dans la coopération russo-africaine, African Initiative apparaît comme un levier d’influence informationnelle piloté depuis Moscou, reprenant les méthodes et réseaux autrefois utilisés par Evgueni Prigojine. Son action s’appuie sur un discours anti-occidental structuré, des relais numériques sophistiqués, et une stratégie de soft power ancrée dans les milieux culturels, médiatiques et éducatifs.

Parmi les figures clefs du dispositif, Viktor Loukovenko, alias Viktor Vasiliev, se distingue. Ce blogueur russe, condamné pour meurtre en 2011, s’est reconverti en « expert » autoproclamé de l’Afrique de l’Ouest après avoir collaboré au projet Lakhta. Recruté par le colonel Denis Smolyaninov du GRU, Loukovenko a été déployé en Ukraine avant de s’installer en Afrique, où il a un temps dirigé l’antenne burkinabè d’African Initiative. S’il a officiellement quitté le projet en juillet 2024, prétextant un salaire trop bas, il a depuis lancé une initiative similaire centrée sur l’Asie centrale. En avril 2025, il a été arrêté au Kirghizstan pour des soupçons de recrutement de mercenaires.

Les activités d’African Initiative reposent sur une narration anti-occidentale très structurée, relayée à travers conférences, médias sociaux, films documentaires, podcasts, vidéos éducatives et même jeux vidéo. L’organisation organise ou participe à des conférences thématiques où l’Occident est présenté comme néocolonialiste et impérialiste. Exemple frappant : la conférence du 14 octobre 2023 à Moscou, où le politologue Alexandre Koureïev accusait les forces françaises et américaines en Afrique d’agir en tant que « surveillants » au service de gouvernements fantoches.

Les liens d’African Initiative avec les anciens réseaux de Prigojine sont visibles dans la participation de figures issues d’AFRIC, l’ex-bras armé informationnel du projet Lakhta. Ces continuités suggèrent que l’initiative africaine a pris le relais des anciennes structures de Wagner dans la bataille de l’influence sur le continent.

L’organisation s’appuie sur un écosystème numérique multicanal : chaîne Telegram, site web, vidéos diffusées sur Rutube, et même un podcast intitulé Pulse of Africa. Certains contenus sont directement traduits en plusieurs langues, et amplifiés par d’autres acteurs affiliés au Kremlin. La chaîne African Kalashnikov, créée le même jour que celle d’African Initiative, se contente majoritairement de repartager du contenu issu de l’écosystème russe pro-africain.

Par ailleurs, African Initiative produit ou co-produit des films documentaires valorisant la coopération russo-africaine et critiquant ouvertement la présence française. Le documentaire La fin du néocolonialisme en République centrafricaine, présenté en avant-première à Moscou en mai 2024, met en scène des figures proches du pouvoir centrafricain et vante le rôle sécuritaire de Moscou face à un Occident dépeint comme passif et prédateur.

Cette guerre des récits ne se limite pas aux médias classiques : le jeu vidéo devient aussi un terrain d’influence. En 2024, African Initiative a développé un mod du jeu Hearts of Iron IV intitulé L’aube africaine. Ce module permet aux joueurs de soutenir une confédération sahélienne souveraine ou, au contraire, de replonger l’Afrique dans l’ordre colonial, selon leur choix d’alliance. Le projet a été développé avec l’influenceur russe Grigory Koroliov, alias GrishaPutin, lié à la SMP Wagner et coutumier des mises en scène patriotiques militarisées.

Au final, African Initiative s’impose comme un acteur central du soft power russe en Afrique, combinant récits anti-occidentaux, outils numériques, stratégie culturelle et ancrage local. Derrière ses airs d’organisation civilisée, elle incarne une offensive idéologique mondiale, habilement déguisée en coopération Sud-Sud.

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