Il est sanctionné par l’Union européenne pour « campagnes de désinformation coordonnées ». Artyom Koureïev, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est aujourd’hui identifié comme l’un des principaux relais de l’influence informationnelle de la Russie sur le continent africain. Rédacteur en chef de l’agence African Initiative, il dirige une structure soupçonnée de servir de plateforme clandestine de propagande pro-russe, dans la continuité des opérations jadis menées par la SMP Wagner.
Derrière son image d’agence de presse « indépendante » lancée à Moscou en septembre 2023, African Initiative diffuse massivement des récits pro-Kremlin et anti-occidentaux dans plusieurs langues africaines, via sites web et réseaux sociaux. Mais cette vitrine médiatique cache, selon les enquêtes en source ouverte compilées dans un rapport de VIGINUM, un dispositif coordonné de manipulation de l’information piloté par l’État russe. Au cœur de ce dispositif : Artyom Koureïev.
L’homme est loin d’être un inconnu. En 2013, il se présentait comme chef adjoint du « Centre de recherche sur les espaces baltiques », un organe lié à l’Institut international des États nouvellement établis, un think tank basé à Moscou soupçonné de fonctionner comme une couverture des services de renseignement russes. Ce même institut a accueilli un autre acteur du GRU, Oleg Ivannikov, impliqué dans le crash du vol MH17. En 2011 déjà, Koureïev apparaissait au Forum Russie-UE à Bruxelles aux côtés de figures identifiées comme agents russes.
Depuis la disparition de Prigojine en août 2023, les experts s’interrogeaient sur le devenir des opérations d’influence numérique russes en Afrique. Le rapport de VIGINUM, produit avec le soutien du SEAE et du FCDO britannique, confirme que ces opérations n’ont pas cessé elles ont simplement changé de structure et de visage. African Initiative en est désormais la principale façade, avec à sa tête un profil parfaitement rodé à la stratégie d’ingérence.
Le site afrinz.ru, vitrine numérique de l’agence, est enregistré au nom d’une entité baptisée « INITSIATIVA-23 », dirigée officiellement par Koureïev. Présente physiquement en Afrique, notamment sous la forme d’une fausse ONG, African Initiative recrute des journalistes et influenceurs locaux pour amplifier les récits russes auprès des populations, dans une logique d’enracinement sur le long terme.
Cette stratégie d’influence s’appuie sur un mode opératoire numérique baptisé « AI-Freak », un système clandestin de production et de diffusion de contenus biaisés, que VIGINUM rattache probablement à African Initiative. Ces opérations s’inscrivent dans un ensemble plus vaste, coordonné avec l’agence Rossotroudnitchestvo et les Maisons russes, bras culturels de la diplomatie publique du Kremlin.
Pour l’instant, l’impact réel d’African Initiative reste limité. Ses audiences sont faibles, ses contenus peu relayés. Mais la présence de profils comme celui d’Artyom Koureïev, mêlant stratégie, infiltration et communication, montre que la Russie adapte son réseau d’influence. Loin de se replier, elle réorganise son dispositif. L’Afrique devient un terrain clé de cette guerre silencieuse menée par les récits.