A l’occasion de la célébration de la Tabaski, l’éminent homme politique et entrepreneur malien Aliou Boubacar Diallo a annoncé la création du Front Patriotique de Résistance (FPR). Cette initiative intervient en réaction à la dissolution de tous les partis politiques par la junte au pouvoir, une décision qui a profondément bouleversé le paysage politique du pays. Dans une déclaration mêlant vœux religieux et message politique, l’ancien candidat à la présidentielle de 2018 a dénoncé ce qu’il qualifie de graves violations de la Constitution. Il a appelé la population malienne à s’unir afin de défendre l’ordre républicain, donnant ainsi naissance à ce nouveau mouvement, le FPR.
Le 13 mai 2025, le gouvernement de transition a promulgué un décret supprimant l’ensemble des partis et associations politiques, dénonçant leur rôle dans l’aggravation des divisions et leur opposition au processus de refondation nationale. Cette décision fait suite à une consultation nationale controversée fin avril, qui proposait notamment de remplacer le multipartisme par une gouvernance unifiée. La suspension des activités politiques a été officialisée le 7 mai, suivie de la dissolution formelle six jours plus tard. Plusieurs recours déposés auprès de la justice ont été rejetés, la Cour suprême ayant confirmé la légalité du décret le 27 mai.
Dans ce contexte de répression, Aliou Boubacar Diallo affirme vouloir représenter une réponse républicaine face à ce qu’il considère comme une dérive autoritaire. Le FPR, qu’il décrit comme un mouvement de rassemblement plutôt que comme un parti politique, vise à structurer une opposition fondée sur le respect du droit, la justice et la souveraineté populaire. Dans son discours, il invite tous les citoyens, qu’ils soient en Mali ou dans la diaspora, à s’unir contre la confiscation du pouvoir par des moyens non démocratiques. Il insiste sur le fait que « la transition doit s’achever » et que la restauration d’un cadre démocratique constitue une étape essentielle pour sortir de la crise.
Le FPR repose sur une démarche baptisée V3R Vérité, Reconnaissance, Réparation, Réconciliation que Diallo veut voir appliquée à travers un processus de justice transitionnelle. Il souhaite faire la lumière sur les événements ayant mené à la crise, reconnaître les souffrances endurées, engager des réparations pour les victimes, et promouvoir une réconciliation nationale inclusive. Sur le plan économique, Diallo évoque un projet de relance estimé à plus de cent milliards de dollars, déjà en discussion avec des partenaires internationaux, en attente d’un cadre politique stable et légitime pour sa mise en œuvre.
Depuis la dissolution des partis, peu de figures politiques traditionnelles ont pris la parole publiquement. La majorité d’entre eux restent à l’écart ou sont soumis à des restrictions administratives. Dans ce contexte, la déclaration d’Aliou Boubacar Diallo marque un tournant, en remettant sur la scène un discours structuré, fondé sur des principes constitutionnels, dans un paysage institutionnel en grande partie suspendu. Le FPR pourrait ainsi devenir le premier mouvement de résistance civile explicite depuis la mise à l’écart de la classe politique. Reste à voir si cette initiative sera en mesure de mobiliser efficacement, alors que les libertÀs d’expression et de rassemblement restent limitées. En affirmant que « la légitimité populaire ne disparaît pas avec un décret », Diallo prend le risque de confrontations juridiques et politiques, mais il ouvre aussi un espace d’expression encadré, potentiellement rassembleur, dans un système encore largement verrouillé.