Maroc : un atelier de broderie redonne espoir aux femmes rurales de Sidi Rbat

À Sidi Rbat, un petit village côtier du sud du Maroc, dix femmes brodent en silence, concentrées sur des toiles géantes qui racontent l’histoire d’une émancipation discrète mais puissante. Grâce à un atelier fondé fin 2022 par l’artiste franco-marocaine Margaux Derhy, ces femmes rurales accèdent enfin à un emploi rémunéré, stable, et porteur de sens. Longtemps confrontées à la précarité et à la marginalisation, certaines d’entre elles ont dû braver les regards désapprobateurs pour rejoindre ce projet, jugé autrefois « inutile » ou « inapproprié » pour des femmes. « Certaines brodeuses se cachaient pour venir à l’atelier », se souvient Khadija Ahuilat, 26 ans, responsable de la fabrique. Aujourd’hui, elle affirme avec fierté : « On a réussi à changer cela. »

À travers ce projet artistique, Margaux Derhy donne vie à des souvenirs familiaux brodés sur toile, inspirés d’archives photographiques datant d’avant le départ de sa famille du Maroc dans les années 1960. Chaque œuvre est conçue collectivement, du dessin initial au choix des points et des couleurs. Certaines pièces, vendues jusqu’à 5 000 euros, ont déjà été exposées à Marrakech, Paris et Bruxelles, et d’autres seront prochainement présentées à Casablanca et Dubaï.

Mais au-delà de la renommée artistique, c’est l’impact social qui prime. « Ce projet a changé ma vie », confie Hanane Ichbikili, 28 ans, qui n’avait jamais tenu une aiguille avant. Aujourd’hui, elle contribue à des œuvres d’art tout en percevant un salaire supérieur au minimum légal marocain (environ 290 euros). Le savoir-faire se transmet aussi de génération en génération. Aïcha Jout, 50 ans, mère de Khadija, a formé l’ensemble des brodeuses. Elle-même ramassait auparavant des moules sur la plage pour nourrir ses enfants. « Broder, c’est aussi transmettre un art, une dignité », affirme-t-elle.

L’équipe, composée majoritairement de femmes célibataires ou veuves, fonctionne comme une petite communauté solidaire. « Je n’ai pas hésité une seconde », raconte Haddia Nachit, 59 ans, surnommée « TGV » pour sa rapidité. À ses côtés, Fadma Lachgar, du même âge, confie que reprendre la broderie après vingt ans d’arrêt est une bénédiction : « Ça me permet d’aider ma famille. »

Dans un pays où plus de 80 % des femmes sont économiquement inactives, selon le Haut-Commissariat au plan, cet atelier de Sidi Rbat tisse bien plus que des fils : il tisse une voie vers l’autonomie, la dignité et l’inclusion.

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