Togo : Fabre et Olympio s’affrontent, divergence stratégique ou guerre d’ego ?

Le ton est monté entre deux figures majeures de l’opposition togolaise. Le 18 mai, Nathaniel Olympio a violemment pris à partie Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), l’accusant d’être devenu un « obstacle à la lutte ». Une sortie inattendue, tranchante, qui révèle un malaise profond au sein de l’opposition.

Tout commence par une simple vidéo. Olympio, fidèle à sa ligne de boycott électoral, y réaffirme son rejet du processus électoral jugé biaisé. Rien de nouveau. Mais la réponse d’Eric Dupuy, conseiller spécial de Fabre, ravive les tensions : « Pour prendre part aux élections, il faut avoir un parti », écrit-il sur X. Réplique immédiate d’Olympio : « Même les indépendants peuvent se présenter. »

Puis vient le coup de tonnerre : une tribune incendiaire, postée par Olympio, qui vise clairement Jean-Pierre Fabre. Le leader de l’ANC, selon lui, saborde la lutte commune en multipliant les contradictions et en poursuivant des intérêts partisans. Le catalyseur ? Un extrait du discours de Fabre lors du 3e congrès de l’ANC : « Le système UNIR prospère sur nos querelles. » Pour Olympio, la racine du mal est ailleurs : « C’est le mauvais leadership de l’opposition qui alimente le système. »

Un passif lourd entre les deux camps

Pour comprendre cette fracture, il faut remonter à 2015. Alberto Olympio, alors président du Parti des Togolais, alerte sur les irrégularités du fichier électoral. L’Organisation Internationale de la Francophonie confirme ses soupçons. Pourtant, Jean-Pierre Fabre, en pleine campagne présidentielle, tempère : « Le fichier n’est pas fiable, mais il est consensuel. » Cette position, perçue comme une capitulation, pousse Alberto Olympio à se retirer de la course. Une blessure jamais cicatrisée.

En 2017, nouvelle friction. La C14, coalition de l’opposition, organise des manifestations. Accord trouvé : pas de couleurs partisanes. Mais les militants de Fabre s’affichent en T-shirt ANC. L’incident alimente les rancœurs.

En 2024, l’ANC participe aux législatives sous une nouvelle Constitution rejetée par l’opposition. Jean-Pierre Fabre devient député, refuse de siéger, puis boycotte les sénatoriales avant de revenir pour les municipales. Un pas en avant, deux en arrière. Nathaniel Olympio crie à l’incohérence.

Deux visions, une opposition fracturée

Fabre défend la ligne du combat électoral. Olympio, lui, milite pour la rupture avec un système jugé illégitime. Au fond, leur opposition ne porte pas uniquement sur la stratégie. C’est une lutte pour l’incarnation de l’alternative. Qui peut encore porter la voix du changement dans un paysage verrouillé ?

À quelques semaines des municipales, l’opposition se présente plus désunie que jamais. Le score du parti de Fabre pourrait trancher. Mais la véritable réponse viendra des urnes – ou de leur vacuité. Car, derrière les joutes verbales, une question reste posée : qui, aujourd’hui, incarne encore l’espoir d’un véritable changement au Togo ?

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