Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames, Messieurs les membres du Gouvernement, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Mesdames, Messieurs les chefs des institutions judiciaires ; Monsieur le Médiateur de la République, Monsieur le Président du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), Monsieur le Président de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), Autorités militaires et paramilitaires, Autorités religieuses et coutumières, Chers participants ;
Permettez-moi de saluer, d’emblée, l’initiative de ce Dialogue national. Malgré les turbulences, elle est un geste d’ouverture à magnifier. Nous, opposition républicaine, y prenons part, non par naïveté, mais par fidélité à nos principes, par foi en l’avenir, et par amour pour notre patrie. Oui, le climat est tendu. Oui, les arrestations, les restrictions des libertés interpellent. Mais justement : plus le contexte est difficile, plus le dialogue devient une nécessité. Refuser de dialoguer, c’est entretenir l’impasse. Y prendre part, c’est assumer sa responsabilité devant la Nation.
Ce dialogue s’organise autour de trois grands axes. Le premier est celui des libertés publiques. Mais, que vaut une démocratie où l’on arrête les opposants sans ménagement ? Où des journalistes, des chroniqueurs sont convoqués, parfois détenus, pour avoir fait leur travail ? Nous appelons à un pacte national de pacification politique, fondé sur la libération des détenus politiques, l’indépendance des médias, et des procédures judiciaires perçues comme justes et impartiales.
Le second axe porte sur le système électoral. Donnons à la CENA les moyens et l’indépendance qui s’imposent. Donnons réalité au statut de l’opposition et de son chef. Et sur l’inscription automatique des jeunes majeurs au fichier électoral, nous estimons qu’une telle réforme, aux implications profondes, doit faire l’objet d’un consensus fort.
Le troisième axe, c’est la refonte institutionnelle. Il est temps de rendre nos institutions plus légitimes. Cela suppose de renforcer la proportionnelle dans l’élection des députés, et/ou d’introduire un second tour dans le scrutin majoritaire. De même, la Haute Cour de Justice doit être réformée : sa composition, aujourd’hui alignée sur la majorité parlementaire, ne garantit pas l’impartialité attendue.
Au demeurant, n’oublions pas que c’est notre système démocratique actuel qui a permis les grandes alternances de notre histoire. Il a porté au pouvoir les gouvernants d’hier, comme il a permis l’accession du pouvoir actuel. C’est un héritage précieux, fruit des luttes, des réformes, des sacrifices consentis au fil des décennies. Que l’on soit du pouvoir ou de l’opposition, nous devons ensemble préserver cet acquis.
Mais au-delà des questions politiques, l’enjeu central reste l’économie. C’est pour cela que j’avais souhaité et proposé l’inscription de cette question à l’ordre du jour du présent dialogue. J’espère et souhaite vivement une mobilisation de tous les acteurs autour de ce sujet. Le Sénégal fait actuellement face à des pertes d’emplois, à une dette croissante et à une situation budgétaire préoccupante, sur fond de vulnérabilité externe. On peut ne pas s’entendre sur les causes, mais il faut qu’on s’accorde sur des solutions.
Ainsi, le nouveau référentiel stratégique de l’action publique doit être mieux partagé, pour améliorer sa mise en œuvre. De même, un Pacte national pour l’emploi productif qui mobilise tous les acteurs autour des secteurs à fort potentiel serait opportun. Enfin, la réforme de la politique budgétaire me semble nécessaire et urgente. Elle ne peut plus attendre, il y va de notre souveraineté.
Toutes ces questions pourront faire l’objet d’échanges ultérieurs. Toutefois, permettez-moi de faire noter qu’aucun levier de relance ne fonctionnera dans un climat d’instabilité politique et social, au surplus dans un environnement international instable. Le Sénégal ne peut plus agir par séquences. Il n’a plus le luxe du temps long : tout doit être engagé en même temps.
Cela exige une administration remobilisée et prête à se dépasser. L’adhésion de la grande majorité de la population est indispensable. Il faut parler à l’âme de la Nation, consolider le lien social, apaiser les tensions. Il faut qu’on se parle en toute sincérité. Et, sur le plan international, nous devons renforcer nos partenariats dans un esprit de dignité, de confiance et d’efficacité.
Sur le plan social, la signature du Pacte de stabilité a été un pas important. Allons plus loin : une conférence sociale nationale pourrait favoriser la création massive d’emplois. Enfin, je terminerai par la reddition des comptes. Aujourd’hui, nous traversons une séquence marquée par des révélations : audits publiés, erreurs exposées, pratiques dénoncées. L’histoire récente nous montre que ces vagues émotionnelles sont cycliques : à chaque alternance, les mêmes scandales, les mêmes sanctions, puis l’oubli. Et on recommence.
Tirant les leçons, nous devons engager des réformes pour mieux protéger le patrimoine de l’État, au-delà des régimes et des contingences politiques.
Chers compatriotes, je rêve d’un Sénégal où l’opposition est écoutée, pas écartée. Où le débat est loyal, pas agressif. Où la critique est utile, pas criminalisée. Le Sénégal a besoin de nous tous. Majorité, opposition, société civile, forces vives. C’est ensemble que nous pouvons bâtir un avenir de stabilité, de progrès et de dignité.
Je vous remercie.