En pleine visite officielle à la Maison-Blanche, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a été confronté à une scène inattendue : Donald Trump a interrompu leur entretien pour diffuser une vidéo affirmant démontrer l’existence d’un « génocide » contre les fermiers blancs en Afrique du Sud. Assis dans le Bureau ovale, lumières tamisées, Ramaphosa et les journalistes ont regardé une série d’images montrant des tombes supposées de fermiers blancs et des extraits de discours virulents de figures politiques sud-africaines. « C’est terrible. Je n’ai jamais vu ça. Toutes ces personnes ont été tuées », a lancé Trump, en feuilletant des articles imprimés qu’il présentait comme des preuves. L’un d’eux mentionnait : « Voici des sites funéraires partout, ce sont tous des fermiers blancs qui sont enterrés là. »
Face à cette mise en scène, le président sud-africain est resté calme. « J’aimerais savoir où cela a été tourné, car ce lieu m’est inconnu », a-t-il déclaré, avant de remettre en question la légitimité de la vidéo. Il a ensuite rappelé que les propos extraits étaient ceux d’un petit parti radical, sans lien avec la politique officielle du gouvernement. « Nous avons une démocratie multipartite. Ce que vous avez vu ne reflète en rien la position de l’État », a-t-il martelé. La Maison-Blanche a publié les extraits sur le réseau X, les présentant comme des « preuves de persécution ». Pour Trump, l’Afrique du Sud « confisque les terres des fermiers blancs » et « les gens fuient le pays pour sauver leur vie ». Il a évoqué l’octroi de statuts de réfugiés aux Afrikaners blancs, provoquant une vive réaction à Pretoria.
Ramaphosa a, de son côté, rejeté fermement l’idée d’un génocide. Il a reconnu l’existence d’une criminalité élevée dans son pays, mais a souligné que la majorité des victimes étaient noires. Une tentative de remettre les faits au centre du débat que Trump a immédiatement balayée : « Les fermiers ne sont pas noirs », a-t-il tranché. Malgré la tension palpable, Ramaphosa a qualifié la rencontre de « très bonne » en quittant la Maison-Blanche après près de trois heures d’échange. En coulisses pourtant, le malaise était évident. Le journaliste Yousra Elbagir, présent sur place, a décrit une réunion « inconfortable » où les faits ont été remplacés par des « opinions personnelles » et des images datant de plusieurs années, utilisées comme des révélations.
L’enjeu est lourd pour Pretoria. En cinq mois, l’administration Trump a gelé l’aide humanitaire américaine, y compris l’assistance pour la lutte contre le VIH, expulsé l’ambassadeur sud-africain et renforcé sa rhétorique pro-Afrikaner. Dans cette atmosphère délétère, Ramaphosa a choisi la voie de l’apaisement diplomatique, misant sur le dialogue plutôt que l’affrontement direct. Mais cette stratégie a montré ses limites, notamment avec la présence impassible d’Elon Musk à l’arrière de la salle. Le milliardaire sud-africain a lui-même relayé les thèses de « génocide blanc » sur X, dans un contexte où il cherche à obtenir l’agrément de son entreprise Starlink dans son pays d’origine.
Malgré les divergences profondes, Ramaphosa a conclu en réaffirmant : « Ce que vous avez vu ne correspond pas à notre réalité. Nous sommes totalement opposés à toute forme de violence. »