La flambée des prix des viandes rouges au Maroc en 2023 et 2024, analysée en détail par Bank Al-Maghrib dans son rapport annuel 2024, reflète une série de tensions structurelles profondes dans la filière. Avec une inflation de +15,1 % en 2023 suivie de +11 % en 2024, cette catégorie de produit a fortement pesé sur le pouvoir d’achat des ménages, notamment les classes moyennes et populaires, pour qui la viande rouge représente environ 13,5 % des dépenses alimentaires, selon le Haut-Commissariat au Plan.
Causes de la flambée :
- Sécheresses successives, qui ont affaibli le cheptel national.
- Hausse du coût des intrants, notamment de l’alimentation animale.
- Dépendance croissante aux importations (bétail et viande congelée).
- Perturbations logistiques et spéculation sur les marchés locaux.
- Concentration du secteur, avec peu de régulation et un manque de transparence.
Sans cette inflation spécifique, Bank Al-Maghrib estime que l’inflation globale en 2024 aurait été contenue à 0,5 % au lieu de 0,9 %, et l’inflation sous-jacente à 1,4 % contre 2,2 %.
Réponses politiques jugées limitées :
Le gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures, notamment :
- Exonérations douanières sur les importations de bétail et de viande.
- Subventions ciblées pour l’importation d’ovins.
- Incitations à la reconstitution du cheptel.
Mais selon Bank Al-Maghrib, ces efforts sont freinés par des problèmes persistants :
- Manque de traçabilité dans la filière.
- Spéculation à la production comme à la distribution.
- Gouvernance morcelée du secteur.
Un tournant symbolique
Face à la gravité de la crise, le 26 février 2025, le roi Mohammed VI a appelé les Marocains à ne pas sacrifier de mouton pour l’Aïd al-Adha, un geste inédit en temps de paix. Cette décision marque une prise de conscience officielle de l’urgence à réformer la filière de façon structurelle.
La crise des viandes rouges au Maroc illustre les vulnérabilités d’un secteur clé pour la sécurité alimentaire et sociale. Elle met en évidence l’urgence d’une réforme en profondeur, fondée sur plus de régulation, une meilleure gouvernance, et une résilience accrue face au climat.