Son nom circulait discrètement depuis plusieurs mois dans les cercles financiers africains. Ce jeudi, c’est désormais officiel : Sidi Mohamed Ould Tah, économiste mauritanien de 59 ans, a été élu président de la Banque africaine de développement (BAD) pour un mandat de cinq ans. Un choix salué par de nombreux observateurs, tant son parcours incarne le sérieux, la constance et la technicité au service du développement africain.
De l’agronomie à l’économie du développement
Formé entre Rabat et Montpellier, Ould Tah s’est d’abord spécialisé en économie agricole avant de s’imposer comme un expert des politiques publiques. Il est titulaire d’un doctorat en économie du développement de l’Université de Montpellier, obtenu après un diplôme d’ingénieur agronome à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II du Maroc. Ses premières armes, il les fait dans l’enseignement : professeur d’économie du développement à l’Université de Nouakchott, il contribue à former une génération d’élites administratives mauritaniennes, tout en développant une réflexion approfondie sur les défis structurels du continent.
Dix années au service de la Mauritanie
Sa carrière publique prend son essor dans les années 2000. Conseiller économique du Premier ministre, puis directeur de la planification nationale, il est nommé en 2008 ministre des Affaires économiques et du Développement. À ce poste, qu’il occupe jusqu’en 2015, il pilote les stratégies de croissance, de lutte contre la pauvreté et de coordination avec les bailleurs de fonds internationaux. Sa capacité à dialoguer à la fois avec les institutions de Bretton Woods et les partenaires arabes ou asiatiques fait rapidement de lui une figure centrale de la diplomatie économique mauritanienne.
Le tournant BADEA
En 2015, Sidi Ould Tah prend la direction de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA). En dix ans, il y transforme profondément l’institution. Sous sa houlette, la BADEA double ses engagements financiers, modernise ses outils d’intervention et s’impose comme un acteur stratégique de la coopération Sud-Sud, au service de projets d’infrastructure, d’intégration régionale et de résilience économique.
Son action à la tête de la BADEA est unanimement saluée pour son efficacité et sa capacité à rapprocher le monde arabe et l’Afrique subsaharienne autour d’intérêts partagés.
Une vision africaine, résolument moderne
Plurilingue (arabe, français, anglais), fin diplomate et homme de réseaux, Sidi Ould Tah arrive à la BAD avec un programme ambitieux : mobiliser des financements innovants, réformer l’architecture financière africaine, intégrer davantage l’économie informelle, et accélérer l’investissement dans des infrastructures durables, notamment face au défi climatique.
Fervent promoteur de l’innovation, il entend faire de la technologie IA, blockchain, fintech un levier transversal de transformation. Son discours d’investiture le résume : « La BAD ne sera pas qu’un bailleur. Elle deviendra le moteur de la souveraineté économique africaine. »
Le choix de la stabilité et de l’audace
En succédant au Nigérian Akinwumi Adesina, figure charismatique de la décennie écoulée, Sidi Ould Tah apporte un style plus technocratique, mais tout aussi engagé. Son élection marque le choix de la continuité stratégique, mais aussi celui de l’audace maîtrisée, à un moment clé pour un continent en quête de financement, de cohésion régionale et de leadership. Avec lui, la BAD se dote d’un président discret, méthodique, visionnaire. Le défi est immense, mais l’homme a l’expérience des institutions et la patience des bâtisseurs.