La relation entre la Confédération des États du Sahel (AES) et la Cédéao s’inscrit désormais dans une dynamique ambivalente. D’un côté, une rupture politique assumée. De l’autre, un pragmatisme imposé par les réalités sécuritaires et économiques de la région.
Depuis leur retrait officiel de la Cédéao en janvier 2025, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont engagé une recomposition de leurs rapports avec l’organisation ouest-africaine. Réunis à Bamako, les dirigeants de l’AES ont néanmoins réaffirmé leur disposition à poursuivre les discussions avec la Cédéao, affirmant leur volonté de négocier dans un esprit de responsabilité. Cette posture marque une inflexion, sans pour autant remettre en cause la décision de sortie.
Cette approche se traduit déjà par le maintien de liens techniques. Les trois pays ont été admis comme membres non-Cédéao du GIABA, en raison de leur engagement affiché contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Cédéao a également validé leur participation continue à la Banque d’investissement et de développement, sous un statut spécifique, afin d’éviter une rupture brutale des financements et des projets en cours.
Sur le terrain sécuritaire, la coopération reste incontournable. Face à l’expansion des groupes armés et à l’instabilité persistante dans le Sahel, l’organisation régionale a appelé ses États membres à poursuivre la collaboration avec les pays de l’AES. Une reconnaissance implicite du fait que les frontières politiques ne peuvent freiner des menaces transnationales.
Cependant, les relations demeurent fragiles. L’affaire de l’avion militaire nigérian immobilisé à Bobo-Dioulasso après une incursion non autorisée dans l’espace aérien burkinabè a ravivé les tensions. L’incident, survenu dans un contexte régional déjà tendu, a nécessité une intervention diplomatique directe d’Abuja pour être désamorcé. Les excuses officielles du Nigéria ont permis une issue apaisée, sans effacer les crispations de fond.
À l’opposé, certains partenariats résistent mieux à la tempête. Les liens entre le Sénégal et le Mali illustrent cette continuité. Malgré le retrait malien de la Cédéao, la coopération sécuritaire s’est intensifiée, notamment dans les zones frontalières exposées à la menace jihadiste. Les échanges économiques demeurent également soutenus, le Mali figurant parmi les principaux partenaires commerciaux du Sénégal en Afrique.
Au final, les rapports entre l’AES et la Cédéao dessinent une nouvelle configuration régionale. La séparation institutionnelle est actée, mais l’interdépendance demeure. Entre méfiance politique et coopération fonctionnelle, l’Afrique de l’Ouest expérimente un modèle inédit, où le pragmatisme semble, pour l’instant, l’emporter sur la rupture totale.




