Rencontre avec Netanyahu : des experts annoncent un lourd jugement historique pour Mitsotakis

 

La rencontre entre le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et son homologue israélien Benjamin Netanyahu continue de susciter de vives réactions. Des experts estiment que ce choix politique, doublé de la qualification d’Israël comme « État démocratique », pourrait durablement ternir l’image du dirigeant grec et peser sur son héritage historique.

Interrogés par Anadolu à Bruxelles, l’écrivain et analyste David Cronin, ainsi que le professeur Kenneth Roth, ancien directeur de Human Rights Watch, livrent une lecture sévère de cette démarche. Tous deux considèrent que la Grèce s’inscrit dans une logique de soutien assumé à Israël, malgré les accusations graves liées à la situation à Gaza.

David Cronin souligne que la coopération entre Athènes et Tel-Aviv s’est renforcée bien avant les événements récents et s’est poursuivie sans inflexion depuis. Il pointe notamment un dossier du Jerusalem Post mettant en avant les bénéfices tirés par l’industrie israélienne de l’armement de la modernisation militaire grecque. Selon lui, des entreprises comme Israel Aerospace Industries, directement impliquées dans la guerre à Gaza, profitent largement de cette relation. Il juge cette politique d’achats militaires profondément problématique et alerte sur le risque juridique encouru par la Grèce, évoquant une possible complicité de génocide au regard du droit international.

Cronin estime également que Kyriakos Mitsotakis cherche à afficher un soutien politique fort à Benjamin Netanyahu, à l’instar d’autres dirigeants européens. Il évoque une forme de concurrence symbolique avec le chancelier allemand Friedrich Merz, tous deux ayant rencontré le Premier ministre israélien cette année. Pour lui, ces visites ne visent ni à exiger des comptes ni à rappeler les obligations internationales, malgré le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale. Il affirme que l’histoire retiendra cette attitude comme un manquement grave.

Kenneth Roth partage ce constat critique, tout en apportant une nuance juridique. Il rappelle que si Netanyahu se rendait en Grèce, les autorités grecques seraient tenues de l’arrêter conformément au mandat de la CPI. Il reconnaît toutefois qu’aucune règle n’interdit formellement une rencontre diplomatique. Le problème, selon lui, réside dans le message politique envoyé. En qualifiant Israël d’« État démocratique », Mitsotakis occulte, d’après Roth, la réalité de l’occupation en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, ainsi que l’existence d’un système d’apartheid incompatible avec les principes démocratiques.

L’ancien patron de Human Rights Watch note par ailleurs que le chef du gouvernement grec, bien qu’ayant rencontré l’Autorité palestinienne et réaffirmé un soutien général, n’a pas clairement défendu la perspective d’un État palestinien ni le rôle de cette Autorité dans une éventuelle transition à Gaza. À ses yeux, cette visite ne marque aucune prise de distance avec le gouvernement israélien actuel, malgré les accusations de crimes de guerre.

Cette séquence diplomatique s’inscrit dans un contexte de rapprochement stratégique assumé. Benjamin Netanyahu, Kyriakos Mitsotakis et le dirigeant chypriote grec Nikos Christodoulides se sont réunis à Jérusalem-Ouest dans le cadre d’un sommet tripartite axé sur la coopération sécuritaire. Une initiative perçue par plusieurs observateurs comme une tentative de Netanyahu de briser son isolement international croissant.

Déjà présent à Jérusalem le 1er avril 2025, Mitsotakis est devenu le premier dirigeant européen à rencontrer physiquement Netanyahu après l’émission du mandat d’arrêt de la CPI pour des crimes présumés commis à Gaza. Un choix politique lourd de symboles, que ses détracteurs estiment appelé à être jugé sévèrement par l’histoire.

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