Relations maroco-espagnoles : vers un partenariat stratégique malgré les dossiers sensibles

Les relations entre le Maroc et l’Espagne connaissent actuellement une dynamique positive, portée par des projets communs ambitieux tels que l’organisation conjointe de la Coupe du monde 2030 avec le Portugal et la construction d’un tunnel maritime reliant les deux pays, premier du genre entre l’Europe et l’Afrique. Cette évolution s’inscrit après une période marquée par l’incertitude et des tensions historiques.

Le 4 décembre 2025, les deux pays ont signé 14 accords de coopération couvrant des domaines variés : politique étrangère, économie, justice, transports, agriculture, pêche, éducation, recherche scientifique, sport, migration et surveillance sismique. Pour le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, ces accords traduisent une phase « sans précédent » dans les relations bilatérales, tout en soulignant la nécessité de trouver des solutions aux dossiers en suspens, notamment les frontières maritimes et la gestion de l’espace aérien du Sahara.

Le chercheur en relations internationales Nabil Al-Andaloussi relève que cette période constitue la meilleure depuis des années pour les deux pays. Il souligne que les intérêts communs imposent des « compromis apaisés » plutôt que des réponses conflictuelles. Même en cas de changement politique à Madrid, il estime peu probable un retour à la crise structurelle du passé, les relations reposant désormais sur des intérêts imbriqués plutôt que sur l’humeur des gouvernements.

Historiquement, les relations ont connu des tensions liées à la migration irrégulière, à la pêche, à la souveraineté de Ceuta et Melilla, et aux divergences sur le Sahara. Un tournant est intervenu en avril 2022 lorsque l’Espagne a reconnu la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara comme une base « sérieuse et crédible » pour résoudre le conflit, mettant fin à une grave crise diplomatique déclenchée par l’accueil en Espagne du chef du Front Polisario, Ibrahim Ghali.

Malgré ces avancées, plusieurs dossiers restent sensibles. La gestion de l’espace aérien du Sahara et la délimitation des frontières maritimes, riches en ressources stratégiques comme le cobalt, nécessitent encore des solutions consensuelles. Les villes de Ceuta et Melilla restent un « dossier explosif », que Rabat choisit de gérer sur le long terme avec retenue diplomatique. La migration irrégulière, autrefois source de tension, est désormais un levier de coopération, le Maroc ayant intercepté plus de 34 000 tentatives entre janvier et décembre 2025, tandis que les arrivées en Espagne ont diminué de 40,4 % par rapport à 2024.

L’avenir des relations s’oriente vers un partenariat stratégique plus opérationnel. Le chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, a invité l’Espagne à développer des projets communs en Afrique de l’Ouest, dans des secteurs comme l’électricité, l’hydrogène vert et la logistique. Les initiatives telles que le tunnel maritime de 28 kilomètres et la Coupe du monde 2030 illustrent cette transformation, passant de la gestion de crises à une coopération structurée, économique et géopolitique, malgré les différends persistants.

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