Haïti retrouve la Coupe du monde 52 ans après sa première apparition. La sélection caribéenne, qualifiée au terme d’un parcours remarquable malgré la grave crise politique et sécuritaire qui secoue le pays, fait sensation et suscite une question symbolique : peut-elle être considérée comme la « dixième » nation africaine du Mondial 2026, en attendant une possible qualification de la RDC en barrage ?
Géographiquement éloignée du continent, Haïti n’en reste pas moins liée à l’Afrique par une histoire et une identité profondément enracinées. Depuis son indépendance conquise en 1804 à la suite d’une insurrection d’esclaves, l’île est devenue un symbole du monde noir. Au XIXᵉ siècle, elle était surnommée « fille aînée de l’Afrique ». Et durant les décennies 1950-1980, elle a soutenu plusieurs mouvements indépendantistes africains, envoyant médecins, enseignants, ingénieurs et juristes participer à la construction des jeunes États.
Ces liens perdurent dans la culture haïtienne : spiritualité, gastronomie, hiérarchies sociales, musique, danse et même football portent l’empreinte africaine.
Une sélection inspirée par les modèles africains
Contrairement à la République dominicaine, tournée vers le base-ball, Haïti s’est forgé une identité footballistique proche du continent africain. Explosivité, dribble, créativité : des caractéristiques répandues chez les joueurs locaux. Le pays a longtemps observé les références africaines des années 1960-1980, notamment le Ghana, le Cameroun et le Zaïre, avec lequel il avait représenté pour la première fois le monde noir au Mondial 1974.
Aujourd’hui encore, les défis restent similaires : infrastructures limitées, manque de moyens, formation fragile, mais un vivier de talents riche. Sébastien Migné, ancien adjoint de Rigobert Song, a construit une équipe mêlant binationaux venus de France ou du Canada et joueurs locaux expatriés. Particularité notable : il a qualifié Haïti sans se rendre sur place, les rencontres étant délocalisées à cause de l’insécurité.
Un retour sur la scène mondiale grâce à une génération solide
Pour décrocher son ticket, Haïti a dominé un groupe relevé avec le Nicaragua, le Honduras et, surtout, le Costa Rica, habitué des Coupes du monde. Plusieurs Grenadiers évoluent dans les grands championnats européens : Jean-Ricner Bellegarde (Wolverhampton) et Hannes Delcroix (Burnley) en Premier League, Carlens Arcus (Angers) et Josué Casimir (Auxerre) en Ligue 1, Jean-Kévin Duverne en Belgique, Frantzdy Pierrot en Grèce. Duckens Nazon, co-meilleur buteur des qualifications, brille en Iran.
Si la RDC parvient à franchir le barrage intercontinental de mars, l’Afrique comptera dix représentants officiels. Et un clin d’œil historique serait alors possible : revoir Léopards et Grenadiers réunis en Coupe du monde, comme en 1974.



