
À quelques semaines des élections communales et législatives du 11 janvier 2026, le paysage politique béninois se précise. Avec 109 députés et 1815 conseillers à élire, les positionnements se multiplient et les partis dévoilent progressivement leurs candidats. Invitée sur Radio Sêdohoun ce mardi 25 novembre, la sociolinguiste Yvonne Adjovi-Boco a livré une analyse profonde, ancrée dans la réalité socioculturelle béninoise, sur la dynamique actuelle et les enjeux qui attendent le pays.
D’emblée, elle estime que la « démocratie » telle qu’on l’entend montre une nouvelle facette, qu’elle préfère qualifier de « gouvernance ancrée dans nos réalités ». Pour elle, la société béninoise repose sur l’idée d’unité, une « unité binaire » faite des pôles masculin et féminin, indispensables à l’équilibre social. À travers cette image, elle salue les efforts déjà engagés vers davantage d’inclusion, notamment grâce à la discrimination positive prévue par la loi, qui garantit un siège d’office pour les femmes dans certaines circonscriptions.
Toutefois, elle nuance : ces avancées demeurent encore insuffisantes. L’inclusion, selon elle, doit dépasser les obligations légales pour devenir un réflexe naturel dans l’organisation politique et institutionnelle. « Ce que tout le monde souhaite, c’est que cette équité devienne automatique, sans qu’on ait besoin de la rappeler dans la loi », a-t-elle insisté.

La sociolinguiste rappelle que cette construction collective ne peut se faire qu’en tenant compte des réalités économiques et des quatre grands secteurs qui structurent la société : le primaire, le secondaire, le tertiaire et les services. Elle souligne la vision du chef de l’État, qui a récemment affirmé que l’économie doit devenir le véritable enjeu politique. Pour Yvonne Adjovi-Boco, les prédispositions professionnelles des citoyens (agriculteurs, artisans, ingénieurs, promoteurs) doivent guider les réflexions politiques pour renforcer la cohésion nationale.
Interrogée sur le rôle des partis politiques dans ce processus, elle est catégorique : les partis ne peuvent plus se limiter à être des machines électorales. Depuis la réforme du système partisan, ils sont devenus des acteurs incontournables de l’éducation citoyenne. Elle rappelle que le financement public accordé aux partis vise précisément à renforcer cette fonction pédagogique : apprendre aux citoyens à répondre à leurs besoins fondamentaux (se nourrir, se loger, s’instruire, se soigner) tout en partageant les ressources de manière harmonieuse.

La sociolinguiste met également en garde contre les divisions internes qui persistent dans certains partis, comme la séparation en « commissions de femmes » ou « commissions de jeunes ». Elle affirme que ces distinctions, loin de favoriser la cohésion, renforcent au contraire les cloisons artificielles : « Ce qui doit nous différencier, ce sont les apports économiques que chacun de nous peut offrir, pas notre âge ou notre genre. »
À l’approche de la campagne électorale qui s’ouvrira le 26 décembre, Yvonne Adjovi-Boco se dit toutefois optimiste. Selon elle, les citoyens commenceront progressivement à comprendre que leurs efforts individuels s’inscrivent dans une pyramide collective, qui nourrit la gouvernance nationale. « L’essentiel, dit-elle, est que chacun réalise que sa contribution participe au rayonnement du pays. »




