
Le procès du groupe Lafarge se poursuit à Paris avec un nouvel éclairage sur les relations possibles entre l’entreprise et la DGSI. La justice cherche à comprendre si ces contacts ont influencé ou couvert les activités de Lafarge en Syrie en 2013 et 2014, période durant laquelle le cimentier est accusé d’avoir financé des organisations terroristes.
Un agent de la DGSI, entendu sous anonymat en visioconférence, a affirmé n’avoir eu aucun contact avec Lafarge. Il a assuré que le département antiterroriste n’avait ni sollicité ni reçu d’informations provenant de l’entreprise. Il a également déclaré qu’aucun membre de son service n’avait participé à d’éventuelles réunions avec des responsables de Lafarge.
Cette version a été contestée par l’avocate de Christian Herrault, ancien directeur adjoint du groupe. Elle a rappelé que plusieurs documents déclassifiés mentionnaient des échanges réguliers entre Jean-Claude Veillard, ancien directeur de la sûreté du groupe, et la DGSI. Elle soutient qu’il existe des preuves de réunions multiples et de transmissions d’informations sensibles concernant la région syrienne.
Plusieurs prévenus ont ensuite été entendus. Jacob Waerness, ancien employé de Lafarge et ancien collaborateur du renseignement norvégien, a expliqué ne connaître que partiellement les négociations menées sur le terrain pour sécuriser les accès autour de l’usine. Ahmad Al Jaloudi, ex-agent de sécurité, a affirmé qu’il avait été informé dès septembre 2013 du contrôle de plusieurs postes par Daech.
L’affaire s’appuie sur des éléments révélés en 2021 par l’Agence Anadolu. Les documents publiés indiquent que Lafarge aurait financé Daech tout en informant régulièrement les services français. Ils montrent également que le ciment du groupe aurait servi à la construction d’abris et de tunnels utilisés par l’organisation.
Lafarge fait face à plusieurs chefs d’accusation. Le groupe est poursuivi pour financement du terrorisme, violation de l’embargo européen et complicité potentielle de crimes contre l’humanité. Après plusieurs rebondissements judiciaires, la Cour de cassation a confirmé en 2024 la poursuite de l’enquête pour complicité de crimes contre l’humanité. En octobre 2024, trois juges d’instruction ont ordonné le renvoi du groupe et de quatre anciens dirigeants devant le tribunal correctionnel.
La suite du procès doit clarifier l’étendue des contacts entre le cimentier et les services de renseignement français, ainsi que le degré de responsabilité pénale du groupe dans la région syrienne.



