Le président du Conseil togolais, Faure Gnassingbé, s’est rendu à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine et finaliser un accord de coopération militaire russo-togolais, marquant un basculement stratégique de Lomé vers la Russie. Cette démarche intervient alors que le Togo est confronté à une menace terroriste croissante dans le nord du pays et que l’influence historique de la France dans la région décline.
Le texte de l’accord, déjà validé en octobre par la Douma d’État, prévoit un cadre juridique pour la défense et ouvre la voie à une coopération élargie incluant la formation militaire, le renseignement, l’assistance technique et médicale, ainsi que la participation à des exercices conjoints. Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, affirme que Lomé cherche des « partenaires fiables, disposés à une coopération mutuellement avantageuse ».
Pour de nombreux analystes, ce rapprochement traduit la volonté du Togo de diversifier ses partenaires face aux défis sécuritaires. Sogoyou Keguewe, ancien ambassadeur à Berlin, précise : « Disposer d’équipements et de formation adaptés est crucial face à des menaces concrètes. Le Togo agit dans le cadre de sa souveraineté. » Le pays possède déjà un arsenal varié incluant des armes russes, chinoises et israéliennes, la France restant le principal fournisseur depuis plusieurs décennies.
Ce nouvel accord marque toutefois un tournant stratégique majeur vis-à-vis de Paris. Depuis 1963, le Togo a entretenu des liens militaires étroits avec la France, renforcés par des accords bilatéraux similaires à ceux conclus avec la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso ou le Bénin. Mais depuis 2014, Lomé a progressivement diversifié ses partenaires vers la Chine, les États-Unis et la Russie, réduisant l’influence française dans le pays et la région.
Pour certains observateurs, la Russie inspire davantage confiance grâce à son efficacité opérationnelle démontrée via Wagner et Africa Corps sur le continent. Selon Oleg Glazunov, professeur à l’université Plekhanov : « Moscou démontre sa capacité à mener à bien des missions militaires, parfois plus efficacement que d’autres partenaires occidentaux. »
Néanmoins, des sources sécuritaires togolaises soulignent que l’accord reste avant tout technique et n’affaiblit pas nécessairement l’influence française dans le pays.
Ce rapprochement s’inscrit dans une révision partielle de la politique de défense togolaise. La loi de programmation militaire adoptée en 2020 pour la période 2021-2025 a mobilisé plus de 700 milliards de francs CFA afin de renforcer les capacités des forces armées et protéger le territoire, les populations et les institutions. L’arrivée de nouvelles puissances militaires comme la Russie et la Chine illustre cette diversification stratégique et la réorganisation de la carte militaire ouest-africaine.
Dans ce contexte, Moscou prévoit également d’ouvrir une ambassade au Togo afin de consolider sa présence dans tous les secteurs du pays, confirmant ainsi l’importance de cette nouvelle orientation géopolitique.


