Le Bénin des héros sélectifs

Il fut un temps où Adrien Houngbédji, l’ex président du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) et ses militants, faisaient la une pour leurs envolées lyriques contre la fusion avec l’Union Progressiste. Ils promettaient la survie du PRD, parlaient d’“âme politique”, jonglaient avec des justifications aussi bancales qu’émouvantes. Mais la réalité finit toujours par rattraper la nostalgie : le PRD a cessé d’exister juridiquement, absorbé par la grande lessive politique qu’est devenue l’UPR (Union Progressiste le Renouveau).

Et pourtant, à l’époque, chaque sortie de Houngbédji était acclamée comme un acte d’héroïsme.
Les mêmes voix qui applaudissaient sa résistance saluaient “le courage du patriarche”, “la dignité d’un homme libre face aux machines partisanes”. Mais les temps changent, et les convictions avec.

Car voici qu’aujourd’hui, Michel Sodjinou, cadre du parti Les Démocrates (LD), ose parler, non pas pour quémander une place, mais pour pointer du doigt les vrais maux : tribalisme, régionalisme, clientélisme, ces cancers qui gangrènent nos partis politiques.
Et que disent alors les grands donneurs de leçons d’hier ?
Qu’il faut se taire.
Qu’il ne faut pas “exposer la maison”.
Qu’il faut “préserver l’unité”.

Étonnant retournement : l’héroïsme politique, au Bénin, change de camp selon qui le pratique.
Hier, on louait la désobéissance ; aujourd’hui, on célèbre l’obéissance aveugle.
Hier, on trouvait noble de contester une fusion ; aujourd’hui, on trouve scandaleux de dénoncer une dérive morale.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : Sodjinou n’a trahi personne.
Il a simplement dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas dans les couloirs, dans les groupes WhatsApp, ou entre deux soupirs de frustration : que les partis, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, se vident peu à peu de leur substance idéologique.
Et que l’éthique, chez nous, est devenue une question de circonstance.

Quand Houngbédji se battait pour un logo, c’était du courage.
Quand Sodjinou se bat pour des valeurs, c’est de l’indiscipline.
Le Bénin politique est décidément un pays fascinant : on y change de définition du courage à chaque conférence de presse.

Mais qu’on le veuille ou non, l’histoire retiendra les voix qui dérangent pas celles qui se taisent.
Et dans ce vacarme d’hypocrisie, Michel Sodjinou a eu le tort d’être sincère.
C’est rare, c’est précieux, et c’est justement pour cela que ça gêne.

Rémi Akinotcho, Editorialiste Politique

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