Le secteur aérien africain franchit une étape stratégique avec la création d’une coopération inédite entre cinq grandes compagnies : Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines MRO, EgyptAir, Kenya Airways et SAA Technical. Présenté début septembre à Kigali lors du 9ᵉ Sommet de l’aviation en Afrique, ce projet vise à renforcer la Maintenance, Réparation et Révision (MRO) des aéronefs sur le continent, réduisant ainsi la dépendance aux centres européens, asiatiques et moyen-orientaux.
Selon l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), l’objectif est de mutualiser les capacités existantes pour conserver localement des revenus jusqu’ici exportés. Le Nigeria, par exemple, dépense plus de 2,5 milliards de dollars chaque année pour l’entretien de sa flotte hors du pays. Cette initiative pourrait générer d’importantes économies et créer des milliers d’emplois qualifiés.
Le projet ambitionne aussi d’améliorer la sécurité aérienne tout en maîtrisant les coûts, ce qui pourrait à terme réduire les tarifs pour les passagers africains. Avec la prévision de plus de 1 200 avions supplémentaires sur le continent d’ici vingt ans, la demande en pilotes, techniciens et équipages sera massive.
Pour le Maroc, cette coopération consolide un positionnement déjà reconnu. Le centre MRO de Royal Air Maroc à Casablanca dessert non seulement sa flotte nationale, mais également plusieurs partenaires africains, plaçant le Royaume au cœur des flux aériens entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Cette expertise fait du Maroc un hub potentiel de référence dans le domaine de la maintenance aéronautique.
L’initiative s’inscrit dans une stratégie plus large visant à exporter le savoir-faire aéronautique marocain et à renforcer les liens industriels avec le reste du continent. Avec plus de 150 entreprises et une main-d’œuvre hautement qualifiée, le Maroc entend faire de ce projet un levier de coopération africaine.
Cependant, des défis subsistent : déficit d’infrastructures modernes, besoins massifs en investissements et objectifs de rentabilité divergents entre compagnies pourraient freiner l’harmonisation. La rétention de techniciens et ingénieurs qualifiés, souvent attirés par l’étranger, sera également cruciale pour le succès de l’initiative.
Si cette coopération se concrétise, elle pourrait servir de modèle pour d’autres secteurs, illustrant une nouvelle volonté de souveraineté technologique en Afrique. Pour le Maroc, c’est à la fois un défi et une opportunité : affirmer sa place dans l’industrie aéronautique continentale tout en consolidant son rôle de trait d’union industriel et logistique entre l’Europe et l’Afrique.