À Naoussa, dans le nord de la Grèce, des scientifiques ont relâché des milliers de mouches mâles stérilisées dans des vergers de kakis. L’objectif est de limiter les ravages causés par la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata), un insecte invasif qui détruit une partie des récoltes, notamment les pêches destinées à l’exportation.
Cette expérimentation s’inscrit dans le projet européen REACT, doté de 6,65 millions d’euros sur quatre ans et impliquant des chercheurs de douze pays. La technique, appelée « insecte stérile » (TIS), consiste à lâcher des mâles stérilisés capables de rivaliser avec les femelles sauvages. Si l’accouplement a lieu, aucune descendance n’est produite, ce qui réduit progressivement la population de nuisibles.
Pour améliorer leur efficacité, les mouches élevées à l’Université de Patras reçoivent un complément bactérien qui accroît leur résistance, leur mobilité et leur longévité. « Elles sont ainsi plus aptes à s’accoupler avec des femelles sauvages », explique George Tsiamis, responsable du laboratoire de microbiologie de l’université.
Le recours à cette méthode séduit des producteurs comme Savvas Pastopoulos, agronome et exploitant local. « Il y a eu des saisons où la mouche méditerranéenne a détruit toute notre récolte en quinze jours », témoigne-t-il. Initialement sceptiques, les agriculteurs voisins ont été convaincus par les explications scientifiques.
Au-delà de la mouche méditerranéenne, le projet vise à tester la technique sur d’autres espèces nuisibles comme la mouche orientale des fruits (Bactrocera dorsalis) et la mouche des pêches (Bactrocera zonata). Ces insectes, responsables de pertes agricoles massives à l’échelle mondiale, commencent à s’implanter en Europe, notamment en Italie, en France et en Belgique.
Selon les chercheurs, le changement climatique favorise leur propagation, en particulier dans les régions méditerranéennes. Certaines populations survivent désormais à l’hiver en Crète ou à Valence, et se reproduisent dès le printemps dans des zones tempérées comme Naples ou Thessalonique.
Les premiers résultats à Naoussa montrent déjà une baisse de la population locale de ravageurs. Pour Marc Schetelig, coordinateur du projet à l’Université de Giessen, cet essai à petite échelle « peut servir de modèle pour l’Europe » face à la menace grandissante des mouches invasives.