Depuis son lancement en 2008, le Plan Maroc Vert divise autant qu’il interpelle. Conçu comme la stratégie majeure de modernisation de l’agriculture marocaine, il est salué pour ses ambitions mais critiqué pour ses limites et son impact réel. Entre promesses de transformation et déséquilibres persistants, le programme illustre les défis structurels et stratégiques du secteur agricole.
Du côté officiel, le bilan est flatteur. Lors du 19ᵉ Forum africain sur les systèmes alimentaires au Sénégal, le ministre de l’Agriculture a vanté les résultats : augmentation de 47 % du revenu agricole, quasi-triplement des exportations et économies d’eau significatives. Il a également souligné l’accompagnement des petits exploitants et l’adoption de pratiques agricoles durables, faisant du Maroc « une référence en Afrique ».
Cependant, ces succès sont nuancés. Les aides publiques ont surtout profité aux grandes exploitations orientées vers l’export, laissant de côté l’agriculture familiale vivrière. Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’emploi agricole décline et les petites et moyennes exploitations restent peu intégrées au développement rural. Entre 2008 et 2018, près de 99 milliards de dirhams ont été investis dans l’agriculture à haute valeur ajoutée, contre seulement 14,5 milliards pour l’agriculture solidaire.
Ce déséquilibre pèse sur la souveraineté alimentaire : plus de 80 % des céréales commercialisées sont importées et le développement de nouvelles variétés peut prendre jusqu’à dix ans. Les produits essentiels comme le blé tendre ou le sucre dépendent largement de l’étranger, entraînant des coûts budgétaires élevés et des enjeux sanitaires croissants.
Les critiques pointent aussi une insuffisante prise en compte des contraintes climatiques et de la gestion durable de l’eau. Alors qu’au début des années 1970 le Maroc bénéficiait d’une balance alimentaire excédentaire grâce à des investissements ciblés dans les semences et les filières animales et végétales, le déficit alimentaire est désormais permanent, fragilisant l’élevage local et accentuant la dépendance extérieure.
Enfin, la hausse des prix agricoles sur le marché intérieur érode le pouvoir d’achat des ménages et alimente les craintes d’une insécurité alimentaire durable. Malgré les investissements et le potentiel du secteur, le Maroc peine encore à satisfaire pleinement les besoins essentiels de sa population.