Évaluation des politiques publiques au Bénin : des bases solides, mais une pratique encore balbutiante

Le Bureau de l’évaluateur (BUDEVAL) a organisé, le 10 juillet 2025 à la Faculté de droit et de sciences politiques (FADESP) de l’université d’Abomey-Calavi, une rencontre axée sur les progrès, les défis et les enjeux liés à l’évaluation des politiques publiques au Bénin. Ce cadre d’échanges s’est tenu à l’occasion de la sortie de la 5ᵉ promotion des auditeurs du Certificat en analyse et évaluation des politiques publiques du CESPo.

Depuis près de deux décennies, le Bénin a multiplié les initiatives pour structurer l’analyse et l’évaluation des politiques publiques. L’État s’est doté d’un arsenal institutionnel et méthodologique reconnu, incluant un conseil national de l’évaluation, une politique nationale dédiée, des structures ministérielles et un guide méthodologique. Selon Dr Koami Gouton, ces efforts traduisent une volonté claire de faire de l’évaluation un outil de gouvernance. Anique Djimadja a rappelé que cette dynamique s’est amorcée dès 2006 sous la présidence de Thomas Boni Yayi, dans un contexte de réformes économiques profondes. En 2010, les premières Journées béninoises de l’évaluation marquent un tournant, symbolisant l’ambition d’ancrer durablement la culture évaluative dans les pratiques publiques.

Une culture encore en construction

Malgré ces acquis, la mise en œuvre reste fragile. « Nous avons construit le cadre, mais nous tardons à l’habiter pleinement », a résumé Dr Gouton. La culture de l’évaluation reste faible, et souvent reléguée au second plan, n’intervenant qu’au moment de la planification de nouvelles actions. Pour le professeur Hygin Kakaï, l’absence d’évaluations rigoureuses prive les décideurs d’outils essentiels de pilotage, affaiblit la légitimité de l’action publique et compromet la confiance citoyenne. D’autres défis structurels persistent, comme l’a souligné Monique Gbaguidi : sous-financement, dépendance à l’égard des partenaires techniques et financiers, et faible implication des autorités locales dans la conduite ou la commande d’évaluations.

Des enjeux multiples et cruciaux

À travers BUDEVAL, le Bénin s’emploie à renforcer la pratique évaluative, en professionnalisant le secteur et en appuyant les institutions publiques. Le président de l’association, Dr Pascal Zantou, a réaffirmé son engagement à produire des données fiables pour guider les décisions politiques et améliorer la gouvernance. Il insiste sur la nécessité d’évaluateurs indépendants, formés et dotés d’un regard critique.

La complexité de la démarche évaluative a également été soulignée par le professeur Patrick Houessou, vice-recteur de l’UAC. Pour lui, évaluer ne consiste pas simplement à compiler des chiffres, mais à décrypter les enjeux de pouvoir, les contraintes externes et les tensions entre intérêts nationaux et influences exogènes. Le professeur Léon Djossè, doyen de la FADESP, va dans le même sens : « Les évaluateurs doivent se demander si une politique sert réellement les communautés ou si elle n’est qu’un projet de façade. »

Une mobilisation interinstitutionnelle saluée

La représentante de la CEDEAO, Linda Daraté, a salué la qualité des débats et insisté sur la nécessité d’un dialogue permanent entre universitaires, praticiens et décideurs. Elle a rappelé que ce type d’interaction est essentiel pour identifier les leviers de transformation et accroître la performance des politiques publiques dans l’espace ouest-africain.

En somme, si le Bénin s’est doté d’outils d’évaluation sophistiqués, le principal défi reste leur mise en pratique effective. Il ne suffit plus de construire des cadres ; il faut désormais les faire vivre au quotidien, dans toutes les strates de l’action publique.

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