Jacques Narcisse Thiaw a 33 ans. Maçon de formation, selon APA, il rêvait d’Europe et de meilleurs lendemains. Il revient pourtant de cinq années d’incarcération au Bénin, accusé à tort de terrorisme. Son histoire, marquée par les espoirs déçus, les passages en prison, la foi et la survie, illustre, selon le média de référence, qui a eu à le rencontrer, l’errance tragique de nombreux jeunes Africains piégés dans leur quête d’un avenir.
Originaire de Pambal, dans la région de Tivaouane, Thiaw quitte l’école en classe de quatrième à cause de difficultés familiales. Il voulait intégrer l’armée, mais faute d’y parvenir, il se forme à la Croix-Rouge avant de se consacrer à la maçonnerie. Ce métier devient son bagage essentiel dans ses multiples voyages.
En 2010, il quitte le Sénégal pour la Guinée-Bissau. Il y travaille dur, économise, espérant atteindre l’Europe. Mais c’est là aussi qu’il se convertit à l’islam, influencé par une figure religieuse proche de la confrérie tidiane. Il devient Mouhamed Bachir, nom qui ne le quittera plus.
De la Guinée-Bissau à la Mauritanie, puis au Mali, à la Libye, et jusqu’en Algérie, Thiaw multiplie les tentatives pour atteindre l’Europe. À Nouadhibou, en 2016, il embarque sur une pirogue pour les îles Canaries. Le voyage tourne au drame : des passagers meurent en mer, leurs corps jetés aux vagues. Arrêté aux Canaries, il est détenu, puis expulsé. Il traverse à nouveau le Mali, se marie à Tombouctou, travaille, chute d’un échafaudage, repart, perd tout, puis continue vers le Niger et la Libye. En 2020, fuyant la crise sanitaire, il met le cap sur le Bénin.
Son arrivée au Bénin, le 6 août 2020, marque le début du cauchemar. Dans un pays où les tensions sécuritaires sont croissantes au nord, sa barbe et sa foi musulmane suffisent à éveiller les soupçons, confie-t-il à APA. À Kandi, il est arrêté. À Cotonou, il est accusé « sans preuve » de liens avec des groupes extrémistes. Malgré sa truelle et son décamètre, symboles de son métier, il est enfermé dans la prison civile de Porto-Novo.
Il y passera cinq ans. Cinq ans dans l’aile dite des terroristes, surnommée « Chien Vert ». Au micro de APA, il avoue avoir croisé des détenus venus de tout le continent. Aussi, il y découvre les abus, les brutalités, les humiliations. Il tombe gravement malade. Ulcère, douleurs chroniques, fatigue extrême. Ses proches au Sénégal tentent de l’aider tant bien que mal.
En mars 2025, il obtient enfin un non-lieu. Le Bénin lui présente ses excuses. Mais il est sommé de quitter le territoire dans un délai de 72 heures. Sans papiers, avec un simple laissez-passer, il rentre au Sénégal. À l’aéroport, un policier lui dit : « Tu es de retour. » Il répond en silence. À l’intérieur, un mélange d’apaisement et de tristesse l’envahit.
Aujourd’hui, Jacques tente de se reconstruire. Il soigne ses blessures, reprend peu à peu le travail, s’occupe de sa fille. Il n’a plus d’illusions sur la migration irrégulière. Il envoie un message clair aux jeunes : « Ne prenez pas les pirogues. Si tu n’as rien, viens, je partagerai ce que j’ai. »
Son récit n’est pas seulement celui d’un migrant, voit APA. C’est celui d’un homme qui a tout perdu, puis tenté de se relever. Sa foi en Dieu est intacte, renforcée même. Il dénonce les groupes extrémistes, refuse toute compromission. Pour lui, l’islam est synonyme de paix, de patience et de fraternité.
Et son appel va au-delà de ses pairs. Il interpelle aussi l’État : « Il faut soutenir les jeunes. » Car derrière chaque départ, il y a un vide, un rêve, et souvent, une détresse silencieuse…