Le Bénin ciblé par une nouvelle campagne de désinformation coordonnée depuis la sphère AES

Le Bénin a une nouvelle fois été pris pour cible par une campagne de désinformation orchestrée via des centaines de comptes anonymes ou pseudonymes sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et X (ex-Twitter). Entre le 4 et le 6 juin, ces comptes ont relayé en boucle une fausse information selon laquelle les autorités nigériennes auraient intercepté un « convoi de ravitaillement destiné aux groupes terroristes » en provenance du Bénin. Aucune preuve n’a été fournie, et les autorités béninoises ont immédiatement démenti.

Un récit mensonger viral, aux allures de guerre informationnelle

Tout est parti d’une déclaration du général Abdourahamane Tiani, président de la transition au Niger, lors d’un entretien télévisé diffusé le 31 mai. Celui-ci affirmait que la présence de troupes françaises au Bénin constituait une menace pour la sécurité du Niger, justifiant ainsi le maintien de la fermeture de la frontière entre les deux pays. Dans les jours qui ont suivi, une vague coordonnée de publications a inondé les réseaux sociaux, relayant une prétendue interception de matériel militaire destiné aux terroristes via le territoire béninois.

Les images accompagnant ces publications souvent anciennes ou sorties de leur contexte ont renforcé l’effet de panique et de suspicion. Plusieurs comptes pro-AES, identifiés comme très actifs dans les campagnes d’opinion favorables aux régimes militaires du Sahel, ont amplifié l’accusation. Des pages et profils partisans, pour certains créés très récemment, ont été mis à contribution pour alimenter la thèse d’un Bénin complice de puissances étrangères contre les intérêts du Niger et de l’AES.

Des schémas familiers de manipulation

Ce type de campagne de désinformation n’est pas une première. Les analystes spécialisés en cyberstratégie et en influence numérique notent des similitudes frappantes avec les opérations d’information observées au Burkina Faso et au Mali ces deux dernières années. Dans certains cas, des mêmes comptes ou réseaux d’influenceurs pro-russes et panafricanistes radicaux ont été identifiés. Selon plusieurs sources sécuritaires régionales, cette offensive s’inscrit dans une stratégie plus large d’isolement du Bénin , accusé de ne pas soutenir l’agenda géopolitique des régimes de transition au Sahel. Le fait que le Bénin maintienne des partenariats sécuritaires avec la Chine, la France, les États-Unis ou l’Union européenne alimente une rhétorique accusatrice, instrumentalisée pour justifier des décisions politiques unilatérales, comme la fermeture prolongée des frontières par le Noger .

Aucune preuve, mais des conséquences réelles

Ni les autorités nigériennes ni les initiateurs des publications virales n’ont présenté le moindre élément matériel pour appuyer leurs accusations. Le gouvernement béninois, par la voix de plusieurs responsables, a fermement démenti ces allégations et rappelé que le Bénin ne sert de base à aucune opération hostile , et n’a jamais permis à une tierce puissance d’utiliser son territoire pour nuire à un État voisin. « Cette manipulation vise à détourner l’attention des vrais défis sécuritaires auxquels le Niger est confronté », confie un expert en diplomatie régionale. En effet, plus de 130 soldats nigériens ont été tués en mai dans des attaques terroristes, alors que la junte continue d’exclure toute coopération sécuritaire avec la CEDEAO.

Pour le Bénin, ces attaques numériques ont des effets délétères sur l’image du pays et sa coopération régionale. Sur le terrain, la fermeture prolongée de la frontière avec le Niger pénalise lourdement les populations locales, en particulier à Malanville, Gaya, Dosso et dans toute la région frontalière.

La désinformation comme outil de confrontation politique

Cette affaire illustre une nouvelle fois la manière dont certains régimes militaires utilisent la désinformation comme levier stratégique pour polariser l’opinion publique, masquer les défaillances internes et désigner des boucs émissaires. Dans le cas du Niger, l’ennemi devient extérieur, alors même que les groupes terroristes, eux, continuent de gagner du terrain à l’intérieur du pays. Le Bénin, lui, reste fidèle à une diplomatie de dialogue et à une coopération économique et sécuritaire diversifiée, assumée dans le respect de sa souveraineté. Mais face à la recrudescence des attaques numériques, le pays pourrait être contraint de renforcer sa cybersécurité et de riposter diplomatiquement, pour éviter que la répétition de telles campagnes ne finisse par fragiliser sa stabilité.

 

 

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