Adirigno Ogoula Jesse Daïse est un professionnel au parcours atypique. Après sept années passées dans la logistique, il a opéré un virage décisif vers le numérique, porté par sa passion pour l’informatique. Aujourd’hui Product Manager, formateur et tuteur au sein du programme D-CLIC de l’OIF, il accompagne les entreprises dans leur transformation digitale tout en transmettant son savoir aux jeunes du Gabon. Il revient ici sur son parcours, ses défis, sa vision du numérique et ses ambitions pour l’avenir.
Bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Nous allons nous entretenir avec vous sur votre parcours, vos débuts, les défis que vous avez relevés, votre reconversion vers le numérique, ainsi que vos engagements actuels. Vous nous parlerez aussi de vos projets futurs et de votre vision pour l’avenir du digital en Afrique. Comment décririez-vous votre parcours avant votre entrée dans le monde professionnel ?
Avant ma reconversion, je décrirais mon parcours professionnel comme atypique, mais formateur. Passionné d’informatique depuis mon plus jeune âge, je n’ai pourtant pas emprunté tout de suite le chemin que je désirais. Sous l’influence de mon entourage et du système éducatif, j’ai poursuivi des études de droit à l’Université Omar Bongo, même si mon rêve était de travailler dans le numérique. C’est grâce à une opportunité familiale que j’ai intégré le monde professionnel, d’abord comme journalier dans une entreprise. Malgré la nature temporaire et peu valorisée de ce poste, j’ai su me démarquer par mon sérieux et mon engagement. Cette expérience m’a permis de gravir progressivement les échelons et d’acquérir une rigueur de travail, un sens des responsabilités et une certaine maturité professionnelle. Même si ce parcours n’était pas directement lié à ma passion, il m’a donné une base solide, tant sur le plan humain que professionnel, pour entreprendre ma reconversion plus tard avec détermination et clarté.
Qu’est-ce qui vous a initialement attiré vers le secteur logistique ?
Pour être tout à fait honnête, je n’étais pas destiné à faire carrière dans la logistique. Mon parcours universitaire était orienté vers le droit, que j’ai étudié à l’Université Omar Bongo. Mais comme cela arrive souvent dans la vie, c’est un concours de circonstances qui m’a conduit vers ce secteur. Après mes études, j’ai eu l’opportunité d’intégrer une entreprise grâce à une connaissance de mon cousin. J’ai commencé en tant que journalier, avec un contrat temporaire. Ce n’était pas un choix de cœur, mais plutôt une opportunité à saisir à un moment où je cherchais à m’insérer professionnellement. Une fois dans l’entreprise, j’ai su faire mes preuves, montrer mon sérieux et mon implication. C’est ainsi que j’ai pu gravir les échelons et évoluer dans la hiérarchie. Ce passage par la logistique a été formateur, car il m’a appris la rigueur, la gestion des priorités et l’importance du travail en équipe des compétences qui me servent encore aujourd’hui dans le numérique.
Avez-vous toujours eu un intérêt pour le numérique, même pendant vos années en logistique ?
Oui, absolument. Ma passion pour le numérique remonte à bien avant mon entrée dans le monde professionnel. Dès mon plus jeune âge, j’ai été fasciné par l’univers du digital. Je passais beaucoup de temps dans les cybercafés, émerveillé par les possibilités offertes par l’informatique. C’est à ce moment-là que j’ai su, au fond de moi, que je voulais travailler dans ce domaine. Cependant, à l’époque, les conseils et croyances autour de moi ont eu un impact sur mes choix. On me disait souvent que pour devenir ingénieur en informatique, il fallait être excellent en mathématiques une matière dans laquelle je n’étais pas particulièrement fort. Cela m’a découragé et, influencé par les attentes familiales et sociales, j’ai fini par choisir un autre chemin, en l’occurrence le droit, puis la logistique. Mais malgré ce détour, mon intérêt pour le numérique n’a jamais disparu. Il est resté présent en moi, comme une passion latente, jusqu’à ce que je décide de l’embrasser pleinement lors de ma reconversion.
Où avez-vous fait vos études secondaires et universitaires ?
J’ai effectué mes études secondaires principalement au Lycée Thuriaf Banzanza à Port-Gentil. Ensuite, j’ai obtenu mon baccalauréat au Collège et Lycée Delta, également à Port-Gentil. Pour l’enseignement supérieur, j’ai poursuivi mes études à Libreville, à l’Université Omar Bongo, où je me suis orienté vers le droit. Ce parcours académique, bien qu’éloigné de mes aspirations premières dans le numérique, m’a permis de développer une rigueur intellectuelle et une capacité d’analyse qui me servent encore aujourd’hui dans mon activité professionnelle.
Quelle formation a le plus contribué à façonner votre esprit de manager ?
La formation qui a véritablement façonné mon esprit de manager est celle que j’ai suivie en tant que Product Manager à l’École 241 de Port-Gentil. Ce programme, intensif et ancré dans la pratique, m’a permis de découvrir les enjeux de la gestion de produit, de travailler en équipe pluridisciplinaire, et surtout de me confronter à des problématiques concrètes d’entreprises locales. Il m’a appris à structurer une vision, à prioriser les actions, à écouter les utilisateurs, et à prendre des décisions stratégiques. Plus qu’une simple formation technique, ce fut un véritable tremplin dans ma posture de leader et d’accompagnateur de projets.
Est-ce votre formation qui a influencé votre reconversion, ou plutôt votre expérience terrain ?
Ma reconversion a été avant tout guidée par une passion de longue date pour le numérique. Ce que je fais aujourd’hui est véritablement l’aboutissement de cette passion, longtemps refoulée mais toujours présente. La formation que j’ai suivie m’a permis de structurer mes compétences et de me professionnaliser, tandis que mon expérience sur le terrain m’a aidé à mieux comprendre les réalités du monde du travail et les besoins concrets auxquels je pouvais répondre. Ce sont donc ces deux éléments la formation et l’expérience qui ont consolidé ma reconversion et m’ont permis d’avancer avec confiance dans cette nouvelle voie.
Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de domaine en 2020 ?
Ce qui m’a poussé à changer de domaine en 2020, c’est avant tout un déclic personnel déclenché par la pandémie de COVID-19. Cette période particulière, marquée par le confinement, m’a permis de ralentir, de prendre du recul et de me poser les bonnes questions sur mon avenir professionnel. J’ai ressenti un besoin profond de me reconnecter à mes véritables aspirations.
Quels obstacles avez-vous rencontrés dans votre reconversion vers le numérique ?
L’un des principaux obstacles que j’ai rencontrés a été le syndrome de l’imposteur. Me lancer dans un domaine aussi vaste et dynamique que le numérique, sans avoir initialement de diplôme formel dans ce secteur, m’a parfois fait douter de ma légitimité. Mais paradoxalement, c’est aussi dans cette période que j’ai rencontré des opportunités précieuses. Des personnes m’ont tendu la main, m’ont fait confiance et m’ont accompagné dans ma montée en compétence. J’ai pu bénéficier du soutien de mentors, notamment Monsieur Sylvère Boussamba, qui a grandement contribué à me donner confiance et à structurer ma progression. Ce mélange de doutes et d’encouragements m’a permis de transformer les obstacles en leviers de croissance. Aujourd’hui, je vois cette phase comme une étape indispensable qui m’a rendu plus résilient, plus humble et surtout plus déterminé.
Comment avez-vous été accueilli dans ce nouvel univers professionnel ?
Globalement, mon arrivée dans l’univers du numérique a été plutôt bien accueillie. Étant donné que c’était une passion que je nourrissais depuis plusieurs années, mon entourage savait déjà que j’avais certaines compétences dans ce domaine. Cela a facilité la transition et renforcé ma crédibilité dès mes débuts. De plus, j’ai eu la chance d’évoluer dans un écosystème numérique en pleine croissance, ce qui m’a permis de rencontrer des personnes bienveillantes, notamment des professionnels plus expérimentés qui m’ont guidé, conseillé et parfois même intégré dans des projets. Leur accueil et leur accompagnement ont été essentiels dans ma phase d’intégration. Ce climat d’ouverture et de collaboration m’a permis de prendre rapidement mes marques, d’apprendre sur le terrain, et surtout de me sentir légitime dans ce nouvel environnement.
Avez-vous eu des mentors ou des modèles qui vous ont inspiré dans ce tournant ?
Oui, absolument. J’ai eu la chance d’être accompagné et inspiré par plusieurs personnes clés dans mon parcours, mais l’un des mentors les plus marquants reste Monsieur Sylvère Boussamba, président de l’ONG Ogooué Labs. Son engagement pour l’innovation et la transformation numérique au Gabon m’a profondément influencé.
Son parcours, sa vision et son implication dans la formation de jeunes talents m’ont non seulement motivé à me dépasser, mais aussi à adopter une posture plus engagée et structurée dans ma reconversion. Au-delà de lui, j’ai aussi été inspiré par des figures internationales du numérique, des entrepreneurs africains du secteur tech, et par tous ceux qui utilisent le digital comme levier d’impact social.
Ces mentors, qu’ils soient proches ou lointains, m’ont aidé à garder le cap, à faire les bons choix et à comprendre que ma passion pouvait réellement devenir un métier et une vocation.
En tant que Product Manager, quelles sont vos principales missions aujourd’hui ?
En tant que Product Manager, mes principales missions tournent autour de la conception, du développement et de l’amélioration de solutions numériques utiles et adaptées aux besoins des utilisateurs. Concrètement, cela signifie que je dois :
- Identifier les besoins des utilisateurs et comprendre les problématiques auxquelles ils font face.
- Traduire ces besoins en fonctionnalités claires et priorisées dans une feuille de route produit.
- Collaborer étroitement avec des équipes pluridisciplinaires : développeurs, designers, marketeurs, etc., pour piloter la création de la solution.
- Suivre l’évolution du produit, recueillir les retours utilisateurs, et ajuster les fonctionnalités pour garantir la valeur ajoutée continue.
- Assurer la coordination entre la vision stratégique et l’exécution opérationnelle, en gardant toujours à l’esprit les objectifs business et les attentes des utilisateurs.
Mon rôle va donc bien au-delà de la simple gestion de projet : je suis à la croisée entre la stratégie, la technologie et l’expérience utilisateur.
Quel projet ou produit vous a le plus challengé jusqu’ici ?
Le projet qui m’a le plus challengé, c’est le tout premier que j’ai piloté en tant que Product Manager : l’accompagnement d’entrepreneurs pour la mise en place et l’évolution de leur catalogue de produits e-commerce. C’était un projet exigeant, mais extrêmement formateur. Il m’a permis de mieux comprendre les besoins des porteurs de projet en Afrique, de renforcer mes compétences en gestion de produit, et surtout de mesurer à quel point le numérique peut être un puissant levier de transformation économique pour nos territoires.
Comment accompagnez-vous concrètement les entreprises dans leur digitalisation ?
Concrètement, j’accompagne les entreprises dans leur digitalisation en les aidant à faire le lien entre leurs enjeux business et les outils numériques adaptés à leur réalité. Mon rôle est de simplifier ce passage souvent perçu comme complexe en proposant des solutions pragmatiques et accessibles : mise en place de systèmes de gestion, création de supports digitaux, structuration de leur présence en ligne, et surtout accompagnement humain par la formation et le suivi.
Pourquoi avez-vous choisi de former des jeunes aux métiers du numérique ?
J’ai choisi de former des jeunes aux métiers du numérique parce qu’à la fin de ma propre formation, j’ai réalisé à quel point ce savoir pouvait transformer des vies. Moi-même, j’ai longtemps mis de côté mes rêves par manque d’accès, d’informations et de repères. Alors j’ai voulu agir pour que d’autres ne vivent pas ce que j’ai vécu. Participer activement à l’écosystème numérique, transmettre ce que j’ai reçu, et offrir aux jeunes la possibilité de se projeter dans des métiers d’avenir, voilà ce qui m’anime. Aujourd’hui, les compétences numériques sont essentielles pour le développement de notre pays, et il est impératif que notre jeunesse y ait accès dès maintenant pour bâtir un avenir solide et autonome. C’est bien plus qu’une mission : c’est un engagement.
Comment jugez-vous le niveau d’accès à la formation numérique au Gabon ?
Le niveau d’accès à la formation numérique au Gabon est en nette progression, porté par des initiatives publiques et privées visant à démocratiser les compétences digitales. Des institutions telles que l’Université Numérique du Gabon (UNG) et l’Institut National de la Poste, des Technologies de l’Information et de la Communication (INPTIC) offrent des formations à distance et en présentiel, adaptées aux besoins du marché. Des programmes internationaux, comme ceux soutenus par l’UNESCO et l’Organisation Internationale de la Francophonie avec le projet D-CLIC , renforcent également l’offre en formant des jeunes aux métiers du numérique. Cependant, des défis subsistent, notamment en matière d’accessibilité dans les zones rurales et de sensibilisation aux opportunités offertes par le numérique. Il est donc essentiel de poursuivre les efforts pour garantir une formation numérique inclusive et équitable à l’échelle nationale.
Que retenez-vous de votre expérience comme tuteur au sein du programme D-CLIC de l’OIF ?
Mon rôle actuel de tuteur au sein du programme D-CLIC de l’OIF est une expérience humaine et professionnelle très riche. J’ai la chance d’accompagner des jeunes en reconversion ou en spécialisation vers les métiers du numérique, et de participer activement à leur montée en compétence. Être tuteur, c’est plus que transmettre un savoir : c’est aussi écouter, guider, motiver, et parfois réorienter. Cela me permet d’agir concrètement pour le développement de l’écosystème numérique en Afrique francophone. Cette mission me pousse à affiner constamment ma pédagogie, à m’adapter aux profils variés des apprenants et à rester à jour sur les évolutions du secteur. En contribuant ainsi à l’autonomisation de ces jeunes, je participe à bâtir une génération capable d’innover localement et de répondre aux défis de demain.
Quels sont vos objectifs à court et moyen terme dans le numérique ?
À court terme, mon objectif principal est de finaliser et lancer mon premier SaaS, une solution numérique conçue pour répondre à des besoins spécifiques sur le marché local. Mon ambition est de devenir une figure d’autorité et d’influence, capable d’inspirer, de former et de faire évoluer les mentalités à travers des projets concrets et des interventions stratégiques.
Envisagez-vous de créer votre propre entreprise tech ou c’est déjà le cas ?
Oui, c’est déjà le cas. J’ai créé mon agence en 2022, une structure à travers laquelle je propose des services en marketing digital, stratégie de communication et accompagnement à la digitalisation pour les entreprises locales. Cette agence représente une première étape vers la création d’une entreprise tech plus ambitieuse. Actuellement, je prépare le lancement de ma propre entreprise technologique, avec le développement d’un premier produit SaaS, pensé pour répondre à des besoins spécifiques du marché africain. Cette future entreprise tech s’inscrit dans une vision à long terme : proposer des solutions numériques innovantes, accessibles, et impactantes, tout en contribuant activement au développement de l’écosystème digital en Afrique centrale.
Quelles compétences numériques seront selon vous indispensables d’ici 5 ans ?
D’ici cinq ans, les compétences numériques les plus indispensables seront celles qui combinent la technique, la stratégie et l’adaptabilité. La maîtrise des outils d’analyse de données, de l’intelligence artificielle, de l’automatisation, ainsi que le développement web et mobile seront essentielles pour répondre aux besoins croissants en digitalisation. À cela s’ajoutent des compétences clés en cybersécurité, en communication digitale, et en marketing numérique pour accompagner les entreprises dans leur visibilité et leur croissance. Mais au-delà des outils, ce sont surtout la capacité à apprendre rapidement, à s’adapter aux nouvelles technologies et à penser de manière critique qui feront la différence.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes qui hésitent à se reconvertir ou à se lancer dans le digital ?
À tous les jeunes qui hésitent à se reconvertir ou à se lancer dans le digital, je voudrais dire ceci : n’attendez pas d’avoir toutes les réponses ou les compétences parfaites pour commencer. Le numérique est un domaine en perpétuelle évolution, accessible à tous ceux qui sont curieux, déterminés et prêts à apprendre. Se former au digital aujourd’hui, c’est se donner la possibilité de construire une carrière d’avenir, de contribuer à la transformation de son environnement et d’ouvrir des portes à l’échelle mondiale. Même si le chemin peut sembler flou au début, chaque pas compte. Il ne faut pas avoir peur de changer de voie, surtout si cela permet de renouer avec une passion ou un rêve. Le plus important, c’est de commencer, de rester constant et de croire en son potentiel.
Est-ce que vous vous intéressez à la vie politique de votre pays ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
Oui, je m’intéresse à la vie politique de mon pays, parce que je suis convaincu que le développement du numérique et, plus largement, le progrès économique et social de notre nation dépendent aussi des décisions politiques. Comprendre les enjeux, les orientations stratégiques du gouvernement et les politiques publiques me permet d’anticiper, de m’adapter, et parfois même de contribuer, à mon niveau, à l’élaboration de solutions pertinentes pour notre société. Même si je ne suis pas un acteur politique direct, je crois qu’un citoyen engagé, surtout dans le domaine du digital, a un rôle à jouer dans la construction de l’avenir de son pays.
Quel rôle pensez-vous que les jeunes professionnels comme vous peuvent jouer dans la transformation politique et sociale de l’Afrique ?
Je pense que les jeunes professionnels ont un rôle stratégique à jouer, car ils sont à la croisée de plusieurs mondes : celui de l’innovation, de la société civile, de l’entrepreneuriat et de la technologie. Nous portons une nouvelle manière de penser les enjeux africains, plus ancrée dans les réalités locales, mais aussi plus connectée aux outils globaux. En tant qu’acteurs du numérique, nous avons la capacité de proposer des solutions concrètes aux problèmes de gouvernance, d’accès à l’information, d’éducation, ou encore de transparence. Et surtout, nous pouvons impulser une dynamique de transformation en incarnant un leadership différent : plus collaboratif, plus responsable, plus tourné vers l’impact.
Comment percevez-vous la relation entre gouvernance politique et développement numérique ?
La gouvernance politique et le développement numérique sont étroitement liés, parce que l’un conditionne largement l’autre. Un environnement politique stable, visionnaire et ouvert à l’innovation est un catalyseur majeur pour la transformation numérique. Sans volonté politique forte, il est difficile d’avoir les infrastructures, les cadres juridiques ou les investissements nécessaires pour un numérique inclusif et durable. Mais à l’inverse, le numérique peut aussi améliorer la gouvernance elle-même : il favorise la transparence, la participation citoyenne, la circulation de l’information, et l’efficacité des services publics. La dématérialisation, les données ouvertes, ou encore les plateformes collaboratives permettent de reconstruire une relation plus directe entre l’État et les citoyens. En somme, quand le numérique est bien compris et intégré, il devient un levier de gouvernance moderne, au service du développement.
L’Afrique est souvent présentée comme un continent d’avenir, mais aussi de paradoxes politiques. Quel est le regard de Adirigno sur cette dualité ?
Je pense que cette dualité est réelle, mais elle ne doit pas être une fatalité. L’Afrique regorge de potentiel : une population jeune, créative, connectée, et une dynamique d’innovation impressionnante dans des secteurs comme le mobile money, l’agritech, ou la formation numérique. Mais ce potentiel coexiste avec des freins bien connus : instabilité politique, gouvernance défaillante, accès inégal aux opportunités. Ce paradoxe, je le vis au quotidien : on forme des jeunes brillants qui ont les compétences pour créer des solutions concrètes, mais qui se heurtent à des systèmes peu agiles ou verrouillés. Mon regard est lucide, mais optimiste. Je crois que l’avenir de l’Afrique se jouera dans notre capacité à dépasser ces blocages en misant sur l’éducation, l’entrepreneuriat, la technologie… et surtout en changeant notre culture de leadership. C’est une nouvelle génération, connectée et engagée, qui portera ce changement, à condition qu’on lui donne la place d’agir.
Peut-on imaginer, un jour, Adirigno dans un rôle politique ou public, au service de de son pays ou du continent noir ?
Pourquoi pas. Je ne me lève pas chaque matin avec l’ambition de faire de la politique au sens classique, mais je crois profondément au service public, au sens noble du terme : celui qui consiste à mettre ses compétences au service de l’intérêt collectif. Aujourd’hui, je sers à ma manière, à travers la formation, l’accompagnement de jeunes talents, et la digitalisation d’entreprises locales. Si demain mes compétences, ma vision et mon expérience peuvent contribuer à transformer une politique publique, une institution ou un programme à plus grande échelle, alors je n’hésiterai pas. L’essentiel pour moi, ce n’est pas le titre, mais l’impact. Et s’engager pour son pays ou son continent, que ce soit dans l’arène politique, sociale ou technologique, c’est aussi une forme de responsabilité générationnelle.
Réalisation : Kaweru Infos, Gabon le samedi 31 mai 2025 (14H43 GMT)